Chorégraphie, Mise en scène Ashley Lobo
A priori la rencontre du théâtre de Chaillot, haut lieu de la recherche et de l’expérimentation chorégraphique moderne, et d’un spectacle Bollywood, une des expression culturelles les plus populaires du monde, n’allait pas de soit. Cependant après près d’une heure trente de couleurs, de danses et de chants, c’est toute la salle, à l’invitation de la troupe qui se lève et danse pour les plus hardis (ou les plus doués) ou frappe frénétiquement dans ses mains (pour les plus sages) ! Et la tour Eiffel scintillant avec à propos de milles feux à la sortie du spectacle semble elle aussi prendre part à la fête, comme si elle voulait se refléter dans le Gange ou d’un Ulhas imaginés…
Le mérite en revient à Asley Lobo qui a su faire le choix de l’évidence : offrir le Bollywood style simplement, sans chercher à l’intellectualiser, ou l’occidentaliser. Il livre un spectacle visuel et sonore totale, où l’histoire conventionnellement n’est qu’une trame reprise à l’infini pour servir des thématiques qui sont autant de tableaux chorégraphiques.
© Navdhara India Dance Theatre
L’amour passion, l’amitié masculine (souvent enivrée d’alcool), l’amour impossible, la trahison, l’initiation d’un cœur pur aux méandres sentimentaux… Tout cela avec un impératif : un premier degré permanent, que nous appelons ici kitsch mais qui n’est qu’une manière de voir le monde sans cynisme. Cet aspect naïf, voire enfantin, du Bollywood est totalement assumé par Asley Lobo. Sandy amoureux danse avec un énorme coussin en forme de cœur et des danseuses tournoient autour de lui avec des cœurs clignotant en polystyrène !
Cela n’empêche pas un vrai travail chorégraphique, et les productions Bollywood n’ont jamais eu à rougir à ce niveaux des comédies musicales américaines. Apparu dans le courant des années 60 à Bombay (Mumbai maintenant), ces films ont rapidement conquis un public jusqu’au fanatisme parfois, et certaines stars sont adulées comme des demi-dieux. Asley Lobo profite d’un scénario partant des contreforts de l’Himalaya et se jetant dans le bouillonnement de la grand ville pour faire intelligemment évoluer les styles de danse et la gestuelle. Allant des plus traditionnelles aux plus délirantes et inventives.
© Navdhara India Dance Theatre
L’hommage est donc réussi avec également un travail de l’espace et de la lumière visant à reproduire des effets cinématographiques propres aux genres (travellings vertigineux, gros plans émotionnels…). On y retrouve aussi cet effet de montagne russes spécifique avec des moments mélancoliques laissant brutalement la place à de véritable frénésies festives ! A ce niveau le tableau reprenant le « Dola re dola » du film Devdas ( qui fit connaître à beaucoup Bollywood en 2002) est un des point culminant de la soirée ! Sans oublier la célébration magistrale à Ganesh, qui nous permet d’entrevoir qu’au delà des strass et du clinquant, cette culture populaire est irriguée par un fond religieux, un lien au sacré, omniprésent dans l’âme des danseurs et du peuple indien tout entier.
Oui « Passage to Bollywood » est une fête qui réchauffe les cœurs, les corps et les esprits, avec grâce, naïveté et brio ! Let’s Celebrate !
CHORÉGRAPHIE, MISE EN SCÈNE Ashley Lobo
DIRECTION DES RÉPÉTITIONS Yuko Harada, Veronica Jose, Naren Lalwani
MAÎTRE DE BALLET Yehuda Maor
LUMIÈRES Sangeet Shrivastava
SON Sreejith Menon
MUSIQUE Naren Lalwani
COSTUMES Sonakshi Amitabh, Karma Chuki, Sanjana Gupta
COIFFURE, MAQUILLAGE Sonakshi Amitab, Simonil Vakil
DÉCORS Naren Lalwani, Razul Singh, Chetan Solanki
VIDÉO Bobo, Naren Lalwani
VOIX OFF Ramneeka Lobo, Harsh Singh,Pravin Shrikhan
AVEC 22 danseurs et 2 chanteurs
Du 11 au 25 décembre
Théâtre national de la Danse 1 place du Trocadéro 75116 Paris Tél. 01 53 65 31 00
https://theatre-chaillot.fr/fr/saison-2021-2022/passage-bollywood