Un spectacle écrit et mis en scène par Pierre Lericq
L’Histoire de France vous ne savez pas comment l’aborder ? En effet, vous êtes perdus dans l’arbre généalogique complexe des rois de France et vous n’aimez pas lire de biographies ni d’ouvrages pointus. Vous considérez Stéphane Bern et Lorant Deutsch comme des pédagogues barbants qui vous feraient regretter l’école. Le cinéma et la télévision aux récits bourrés de figurants, de premiers rôles à la plastique irréprochable et de batailles spectaculaires vous agacent. Et pourtant vous aimez l’Histoire.
Alors, si l’on vous proposait une toute autre façon de l’appréhender ? Une méthode ludique et enjouée qui aborderait les étapes clés, en repartant de la base, c’est à dire du néant, des poussières d’étoiles que nous sommes, tout en conservant notre âme d’enfant celle qui, expurgée de toute forme de cynisme a encore soif d’apprendre tout en s’amusant. Eh bien ne cherchez plus. La nouvelle proposition des Épis Noirs, une troupe fantastique qui écume les scènes depuis plus de 20 ans, vous est destinée.
Allons enfants ! Oui c’est bien nous, le public, à qui on s’adresse et qu’on encourage joyeusement dans ce qui va s’avérer un chaos joyeux et utopique (dixit le dossier de presse) empreint de musique, de corps en mouvement, de courtes chorégraphies et de mots déclamés et chantés.
Tout commence par le Big Bang et deux grains de poussière qui ont la bonne idée de s’affronter avant de penser à collaborer (des bouts d’étoile qui se battent pour des bouts de terre) puis nous passons très vite à la préhistoire avec la tablée de la famille Magnon dont le patriarche se nomme… Emmanuel Magnon et pas Macron ! Et c’est ainsi, ente jeux de mots (Vercinghetto), changements d’époque et de costumes, multiplicité de caractères que nous revisitons dans un bordel foutraque (mais amplement maîtrisé) les grandes lignes de l’Histoire.
Photo Anahi Matteo
Comme tout bon spectacle, le conflit alimente les situations et autant dire qu’avec l’Histoire de France, nous sommes servis. Combat entre Romain César et Attila (les civilisés et les barbares), naissance des empires chrétiens (Irène « la plaine » et Charlemagne « la montagne »), mariage de Louis V dit le Fainéant (parce qu’il ne fit jamais rien de remarquable) avec Blanche d’Anjou, de 20 ans son aînée, ce qui donne lieu à des scènes hilarantes où un Louis V au comportement cruellement enfantin frappe son épouse. Tout cela pour aboutir à l’année charnière, l’an 1000, où la supposée fin du monde est vécue avec une angoisse aussi brutale que le soulagement qui s’ensuit.
Photo Anahi Matteo
Autre grand moment, quand le tonitruant et énergique Pierre Lericq, le fondateur et meneur de la troupe, s’amuse lors de délectables mises en abyme à invectiver régulièrement les comédiens qui contestent ses directives (C’est toi qui commande ?) et à prendre, lors de son interprétation d’Edouard III, un accent anglais si peu compréhensible qu’on en vient à se demander s’il n’est pas seul déclencheur de la guerre de cent ans.
Et puis, dans cet univers absurde où l’homme cherche désespérément à greffer du sens, Dieu n’est pas oublié. Il interpelle l’inévitable Jeanne d’Arc pour la conduire vers son destin et son fameux procès ordonné par un tyrannique Pierre Cauchon (on comprend « cochon »).
Ainsi, ils défilent tous dans un fatras inouï de chansons, de danses et de dialogues délirants, François 1er (décrit comme un pleutre que la guerre effraie et qui n’ose pas fêter la victoire de Marignan), Catherine de Médicis hautaine et imposante, Ravaillac condamné à être écartelé accompagné par le son d’un violon tragique et torturé, Louis XIV, en tutu, lors de ses danses…
Mais on n’oublie pas, çà et là, de placer de nécessaires allusions politiques et progressistes qui bâtissent un pont avec le présent. C’est l’histoire du cheval de labour, animal d’abord libre et qui va accepter de labourer en échange de nourriture, citant ouvertement La Boétie et son discours de la servitude volontaire. C’est l’évocation doublée d’un hommage non feint de la mythique Olympe de Gouges, considérée aujourd’hui comme la première féministe française.
Photo Anahi Matteo
A l’origine, le spectacle durait plus de 5 heures et fut coupé pour Avignon. Et pourtant, les grands enfants que nous sommes en réclament encore, car comment accepter que ce formidable et délirant festival historique au rythme étourdissant, fourmillant d’idées géniales et aux chansons plus réussies les unes que les autres, s’arrête et nous laisse exsangue et en manque.
Vous l’avez compris les Épis Noirs, c’est un régal, un plaisir orgasmique, une gourmandise addictive et si vous ne les avez pas encore vus, autant vous prévenir, vous risquez la dépendance, comme nous qui en voulons encore et attendons la suite avec une bouillonnante impatience.
Mise en scène :
Pierre Lericq
Auteur/compositeur :
Pierre Lericq
Distribution :
Manon Andersen, Manon Gilbert, Marwen Kammarti, Stéphanie Lassus Debat, Pierre Lericq, Damien Roussineau, Lionel Sautet, Marianne Seleskovic
Musiques additionnelles :
Marwen Kammarti
Création lumière :
Julien Bony
Création son :
Philippe Moja
Costumes :
Chantal Hocdé
Coproduction :
Théâtre Edwige Feuillère (Vesoul), Le Funambule (Montmartre)
Matrioshka Productions
Théâtre du chêne noir
8 bis rue Sainte-Catherine 84000 Avignon
https://www.chenenoir.fr/event/allons-enfants/
Vu dans le cadre du Festival Off d’Avignon du 5 au 28 juillet 2019
Spectacle génialissime .
Hymne à la vie..aux combats..aux espoirs…au ridicule des guerres..à l amour..à la poésie..à la liberté.
Une pépite qui va devenir explosive.
Musique..chant..comedie…un spectacle complet.
Quel talent!
On y retrouve des Epis qui joueaient dans flon flon: Lionnel Sautet..Manon Andersen..Marwen kammarti…
Sacrée histoire..