ANQUETIL TOUT SEUL

Adaptation théâtrale et mise en scène : Roland Guenoun 

D’après un roman de Paul Fournel 

 

La carrière du célèbre coureur cycliste au fil des souvenirs d’un admirateur : un narrateur nostalgique revoit les images, réelles ou inventées, de la carrière de Jacques Anquetil qui l’ont marqué depuis l’enfance. Le narrateur prend alors en charge tous les rôles (coureurs, directeur sportif, commentateur) qui gravitent autour du champion et de sa femme, divorcée de son médecin personnel et que le champion impose, bravant les mœurs machistes du peloton, comme manager, chauffeur, etc. 

Au centre de la scène, Anquetil s’échine sur son outil de travail, un vélo, jaune comme son maillot, qu’il remisera au clou pour n’y plus toucher, la carrière finie. Courbé sous l’effort et les souffrances de l’entraînement ou dans la solitude des compétitions -l’homme déteste s’agréger au peloton, il trace sa route. Derrière, sur une série discontinue de panneaux, défilent -projetées en vidéo- les lignes blanches de la route, le bitume, la nuit. Racé, le coureur fend l’air comme une caravelle. L’image du rouleur Anquetil, admiré mais mal aimé, et celle d’un froid champion, calculateur et moderne. C’est un spécialiste des contre-la-montre qui lui assurent un avantage décisif face aux grimpeurs fougueux, tels Poulidor.  

Mais l’Anquetil qui nous est révélé dans cette pièce tirée du roman de Paul Fournel est un dandy de la petite reine, scandaleux dans sa vie privée et parmi le peloton. Derrière le champion froid et conquérant, on ne soupçonnait pas autant de matière romanesque. Ce caractère rebelle transgresse tous les interdits, sans goût pour la bravade cependant. Il est simplement un esprit libre et franc, un échappé. Aux tristes rigueurs diététiques que les directeurs sportifs imposent aux coureurs (un fade régime à base de féculents et de légumes bouillis) il répond champagne, mets fins, cigarettes et caprices d’huîtres au petit déjeuner.  Bravant l’opinion, il s’opposera aux premières lois anti-dopage qu’il juge hypocrites. Le métier est dur, qu’imaginent-ils ? Toujours, il avouera courir pour l’argent. 

L’atmosphère de ce début des années 60 nous est restitué sur les panneaux de projection : des images d’archives, les extraits d’émission d’une télé aux angles arrondis et la file des personnages pris en charge par le narrateur (Raphaël Geminiani, Léon Zitrone, etc) qui nous paraissent d’abord plus imités que véritablement interprétés mais ajoutent finalement, touche après touche, leur couleur au tableau. 

La tension entre le flamboyant orgueil du champion, la griserie du succès, et les sacrifices endurés s’incarnent dans la silhouette longiligne du dandy gominé de sueur. La scène où le champion craque et pleure au bas de son vélo quand il manque d’abandonner son pari fou d’enchaîner un « Paris-Bordeaux » dans la foulée du « Tour du Dauphiné » (dont il a franchi la ligne d’arrivée en vainqueur seulement huit heures auparavant) est terriblement poignante. Une vie flamboyante et brève -il est mort à 54 ans- comme ce spectacle. 

 

Interprètes: Matila Malliarakis, Clémentine Lebocey, Stéphane Olivié Bisson
Scénographie: Marc Thiebault
Vidéo: Léonard
Musique: Nicolas Jorelle
Lumières : Laurent Béal
Son: Joann Pérez
Costumes : Lucie Gardie 

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