BAROKKO

De Marion Coutris (Texte et livret)
Mise en scène : Serge Noyelle

« La rage et le désir sont nés de la même mère » profère l’ange noir qui arpente la scène, baignée d’une lumière bleue et froide, sous le regard d’un vieillard immobile qui attend l’heure de sa mort. Tout à l’opposé, un grand cadre vide debout, symbole de l’autre côté, cet endroit où l’existence se dissolve dans les tréfonds du néant. Cette fin de vie est traversée par de multiples personnages, ou plutôt des figures, des allégories, qui ravivent les derniers instants d’un homme égaré dans son ultime songe. Cette vie tumultueuse, passionnée et chaotique se rejoue dans un carnavalesque délire où sont convoquées les figures des grands récits, des mythes et des croyances dans une abondance de costumes et d’accessoires que n’aurait pas renié le Fellini de la grande époque.

Ecrit par Marion Coutris, mis en scène par Serge Noyelle avec une composition musicale de Marco Quesada, cet opéra-théâtre plonge littéralement le spectateur dans un autre univers, celui du baroque opulent et transgressif comblant le vide et les manques, là où l’insignifiance et l’inconsistance n’ont pas lieu d’exister. Dix années de travail auront donc été nécessaires pour parvenir à ce flamboyant spectacle, fruit d’une coproduction avec notamment le Teatr-Teatr de Perm, en Russie, et le Théâtre dramatique de Plovdiv, en Bulgarie.

La scène bi-frontale propose une immersion totale dans les affres de la mort, mais aussi de l’amour, car Eros et Thanatos sont évidemment de la partie. Le corps du vieil homme, opère un parfait contrepoint à ceux vigoureux des danseurs fous qui insufflent leur énergie dans l’espace mental et physique. Entre processions et chœurs, on croisera l’enfant perdu, jeune garçon aux cheveux roux/oranges, au verbe tonitruant et à la vivacité insolente, deux vieillards à la gémellité rigide et décalée, des êtres barbus (au genre incertain) entonnant des chants splendides qui ravivent, dans notre mémoire, l’approche de la fin. Puis c’est l’affrontement tant attendu aux deux bouts d’une longue table, de l’ange noir, majestueuse, et d’un corps fatigué et usé qui s’écroulera, vaincu, avant d’être emporté par une marée d’êtres issus de l’imagination fébrile et bouillonnante d’une conscience en extinction.

Le songe s’évanouit peu à peu, ses créations quittant la scène après un ultime cortège. Les dernières braises de vie s’émoussent, la lumière s’atténue, les chants s’estompent, puis c’est le noir, le néant. Le voyage est terminé, plus de verbe, plus la moindre agitation, plus de rituels, plus de danses, plus de sexe, plus de questionnements, juste le calme, la quiétude, l’abandon, le silence absolu.

Nous restons seuls, désemparés, face à cette irrésolue fin d’un monde, auquel chacun sera un jour confronté.

« La mort est la petite compagne tranquille de notre amour » dit l’un des personnages, alors, le cycle éternel de la vie et de la mort peut reprendre.

Baroque et ambitieux, d’une immense richesse thématique et interprétative, cet opéra-théâtre qui sublime la mort, est, plus qu’un spectacle, une véritable expérience sensorielle, servie par une extraordinaire partition musicale. Inutile d’y chercher les traces d’une dramaturgie classique ni même d’une réflexion sur l’existence, mais tout simplement accepter de se laisser emmener dans une fantasmagorie et vivre (plus que voir) un bref instant dans un tableau onirique d’une prodigieuse féérie visuelle. Cette œuvre folle et dantesque, sillonnée de fulgurances poétiques, nous rappelle, comme le disait le grand Philippe Caubère, que « le théâtre, c’est un petit peu comme les rêves : ça n’a pas de sens ».

© Photographies : Cordula Treml

Mise en scène : Serge Noyelle

Texte et livret : Marion Coutris

Interprétation : Alain Aubin, Lisa Barthélémy, Kristina Bazhenova, Lucas Bonetti, Rémy Brès, Patrick Cascino, Estelle Chabretou, Aurélien Charrier, Idir Chatar, Marion Coutris, Ulyana Danilova, Flavio Franciulli, Camille Hamel, Caspar Hummel, Oleg Ivanov, Alexei Karakulov, Gérard Martin, Baptiste Martinez, Grégori Miège, Jeanne Noyelle, Anna Ogereltseva, Hwa Park-Dupré, Kristina Perina, William Petit, Marco Quesada, Simonne Rizzo, Magali Rubio, Guilhem Saly, Lucas Scalambrino, Noël Vergès.

Composition musicale : Mario Quesada

Costumes : Catherine Oliveira

Accessoires : Marie-Claude Garcia et Bertyl Rance

Traduction : Marina Verchenina

Chargée de production franco-russe : Nathalie Tauvin

Administrateur de production : Benoît Kasolter

http://www.theatre-nono.com/index.php?option=com_content&view=article&id=240&Itemid=644

https://www.youtube.com/watch?v=EpCQh4My30A

Vu le 05/04/2018 au Théâtre Nono à Marseille

Prochaines dates à venir: 10, 12, 13 et 14 avril à 20h30

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