LE JOUR DU MISTER

de Bruno Leydet

Mis en scène par  Bruno Leydet et HVP
Interprété par : Margaux Lapersonne

Rose, cadre débordée et quelque peu condescendante, organise comme chaque année sa Saint Valentin : le 14 février avec le mari… et le 13 en compagnie de l’amant, son « Mister day », équivalent féminin du « Mistress day » qu’on nous présente comme une pratique bien connue aux Etat-Unis (est-ce vrai?).

La petite dame, un rien pimbèche, semble bien organisée, donc. Mais rien ne va se passer comme prévu et le grand principe qui dirige sa vie, hérité de papa (« Ne choisis rien, petite, ramasse tout ! ») se trouvera soumis à rude épreuve.

Un seul en scène étonnant à plusieurs titres. D’abord, l’intrigue, typique du théâtre de boulevard, qui fait se rencontrer les mauvaises personnes au mauvais moment au mauvais endroit et multiplie les déboires de l’héroïne jusqu’à la catastrophe finale. Pas de gras dans le texte ; chaque détail et personnage apparemment secondaire revient plus tard soutenir l’intrigue. Le héros malheureux ensuite, qui en miroir de Feydeau et son époque devient une héroïne : l’épouse. La femme reprenant à son compte la revendication de la double morale et du devoir du plaisir.

Margaux Lapersonne sait rendre la suffisance de ce Moulineaux (le « Tailleur pour dames » de Feydeau) au féminin et l’on attend avec plaisir le moment de la voir s’enfoncer. La comédienne gagne aussi le pari de faire exister la galerie des personnages secondaires.

Un mélange des genres réussi.

du mardi 19 juillet 2022 au samedi 30 juillet 2022 à 13h00 (relâche les lundis)

Théâtre Le Vieux Sage, 34 rue de la Carreterie, 84000 Avignon

L’Heureux Tour

Auteur et interprète: Jean-François Balerdi

« L’heureux tour « ! Le titre parlera aux amateurs du genre, celui des jeux de mots puisque c’est la veine que cultive Jean-François Balerdi depuis toujours. Et s’il nous annonce son « comic out », c’est parce qu’il s’agit d’une première au festival d’Avignon, « le plus grand théâtre du monde » (dixit les organisateurs du OFF). Dans son Sud-Ouest, les facéties verbales du personnage sont déjà bien connues. C’est aussi parce qu’aucune version DVD de son spectacle n’est éditée ; courez le voir, c’est sur scène qu’il déballe tout.

Et il est heureux, donc, Balerdi. Heureux, lui « qui « se soigne par les planches », de retrouver le public après l’interruption du Covid auquel un texte est d’ailleurs habilement consacré. Les jeux de mots de Balerdi dépassent en effet le choc sonore des circonstances ; porteurs de sens, faiseurs d’images, ils participent à la construction d’une histoire. Le principe: détourner les semences d’un champ lexical pour les cultiver dans un autre. Dans sa version de la longue histoire de l’Homo-sapiens avec la terre par exemple, il file de bout en bout la métaphore d’un passager de la « Planète-Airlines ».

Balerdi nous parle avec finesse des thèmes qui le touchent : le racisme par exemple avec un premier texte sur le racisme (« Racines ») où il est question d’arbres jaloux de leur nouveau voisinage exotique. Il nous raconte son parcours, sa passion du théâtre en passant par quelques hommages aux humoristes qui l’ont inspiré, révérence appuyée aux grands de la scène française… et plus subtile (sous la forme de clins d’oeil langagiers aux québecois) envers son maître en jeu de mots : Marc Favreau, figure éminente qui hante encore la scène québecoise avec son personnage de Sol.

Abondance de mots ne nuit pas : les pirouettes verbales sont nombreuses et il faut les saisir. Tous les spectateurs ne rient pas aux mêmes endroits. Mais tous rient, ou sourient.

  • Auteur et interprète(s) : Jean-François Balerdi
  • Régisseur : Pipo Guillet
  • Regard extérieur : Patrick Moglia

Au théatre Albatros (29, rue des Teinturiers 84000 – Avignon)
Du 6 au 30 juillet à 12h45 – Relâches : 12, 19, 26 juillet 

 

 

 

 

1H22 AVANT LA FIN

Texte de Matthieu Delaporte
Mise en scène Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière

Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière reviennent ! Les auteurs à succès du « Prénom », offrent à la Scala un nouveau petit bijou de comédie aux dialogues et à l’intrigue ciselés.

Le personnage de Bertrand (Kyan Khojandi) , se définissant comme une sorte de Gatsby le Magnifique inversé est au bout de sa vie et de sa tristesse. Il va enjamber son balcon, pour se jeter dix mètres plus bas sur le sol ; quand un importun frappe à la porte… Armé d’un pistolet cet étrange visiteur (Eric Elmosnino)… déclare venir pour le tuer, rendant dès lors le suicide compliqué à réussir…

Les auteurs ont donc décidé de plonger leur plume comique dans l’encre sombre et acide de l’humour noir, et parfois même inquiétant. Il s’agit d’un face-à-face où la réelle identité de chacun des protagonistes, ainsi que leurs intentions, connaîtra des révélations surprenantes, ouvrant alors l’histoire à un niveau presque philosophique, sans jamais perdre son objectif, le rire.

Ils naviguent ainsi entre deux univers. La comédie noire à la Bertrand Blier (un hommage est-il fait d’ailleurs via le prénom du héros ?), dont Eric Elmosnino semble sortir tout droit avec son manteau de laine grise qui fait furieusement penser à celui de Gérard Depardieu dans « Buffet froid », d’une part. La comédie fantastique à la Lubitsch, d’autre part, et l’on pense fortement à « Le ciel peut attendre ». Mais chut…

 

Kyan Khojandi, Eric Elmosnino (Dr P Gély)

 

Dans une scénographie élégante de Marie Cheminal, il faut reconnaître qu’Eric Elmosnino remporte le duel du plateau. Il trimballe une létalité goguenarde, traînante et désabusée, menaçante et amicale à la fois. Il nuance ses effets et rend crédible les facettes les plus étonnantes de son personnage, le faisant naviguer entre étrangeté et bonhommie mélancolique.

La salle réagit de manière unanime à la pièce, par des rires et des sourires nombreux. Ce n’est pas forcément l’éclat de rire qui est recherché par Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière, et il n’y a ni crescendo ni situation paroxystique visant à déclencher une hilarité massive.

Ils réussissent une comédie douce amère, qui ravit une salle comble et généreuse en applaudissements.

 

 

Texte de Matthieu Delaporte
Mise en scène Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière
Avec Kyan Khojandi, Eric Elmosnino, Adèle Simphal
Scénographie – Marie Cheminal
Régisseur général – François Hubert
Lumières – Laurent Béal Didier Brun
Costumes – Anne Schotte
Construction Décor – Romain Scrive et Arthur Lamon 
Assistante – Léa Moussy
Assistante scénographie – Stéphanie Laurent
Assistant lumière – Didier Brun

Au Théâtre La Scala Paris à partir du 27 janvier du mardi au samedi à 21h, les dimanches à 15h.

https://lascala-paris.com/programmation/1h22-avant-la-fin/