LES CAHIERS DE NIJINSKI

TEXTE Vaslav Nijinski

Mise en scène collective, Coordination artistique Matthieu Prual

« Après sa dernière danse publique, Vaslav Nijinski entame la rédaction de ses cahiers dans un ultime élan vital. Conscient de son imminente disparition, il lance un cri mystique d’amour et de rage. Les corps, les peaux, les sons résonnent avec le souffle de Nijinski, convoquent les fantômes de ses danses, et nous plongent dans le tressaillement du génie face à l’incandescence du mystère de mourir, de créer, d’être en vie. »

Disons-le tout de suite, ce spectacle est une compréhension et une figuration plastique, sonore, et interprétative, inédite, du rapport au monde d’une personne schizophrène (Nijinski).

Qu’il s’agisse d’ailleurs de Nijinski est secondaire. Nijinski se vivait lui-même comme non limité à son corset individuel de chair et d’os.

Et c’est cela la grande affaire : l’Illimité. Vivre Dieu en soi, ce vivre arbre, cheval que l’on bat à mort, feuille qui tremble, humain dans la marée humaine.

DR Lucie Weeger

Denis Lavant se tient d’abord parmi nous, fragile, imberbe de parole, un poisson échoué sur le sable. Tel était Nijinski, inapte à l’échange social. Ensuite, Denis Lavant monte sur scène. Là il grandit, se faisant à l’image de Dieu. Sa voix amplifiée au microphone, les éclairages en contre-plongée, il enfle à la démesure d’un artiste, à celle du Créateur. Tel était Nijinski, plus grand que Nijinski.

Il parle Dieu. Dieu déborde de lui littéralement, de son corps, convulsivement.

La résonance instrumentale – à cours Matthieu Prual (saxophone, clarinette basse), à jardin Gaspar Claus (violoncelle) – est à la fois innervation des nerfs, soleil qui bat dans les tempes de Nijinski. Elle est aussi tissage vibratoire qui se branche sur notre propre système nerveux central. Une toile synaptique vibratoire qui relie tous les spectateurs entre eux. Elle fait de nous Nijinski, Dieu et Nijinski.

DR Lucie Weeger

On pourrait parler de Denis Lavant. Mais pourquoi ? Pourquoi, tant il disparaît – rempli jusqu’aux yeux, jusqu’au cheveu le plus fin – dans et par le texte de Nijinski , dans l’humanité de Nijinski, dans l’inhumanité de Dieu aussi.

Denis lavant, Matthieu Prual et Gaspar Claus, nous offrent une cérémonie digne d’Antonin Artaud, et de tous les anonymes qui portent sur eux, en eux, leur propre cahier de l’illimité.

 

TEXTE Vaslav Nijinski

Mise en scène collective, Coordination artistique Matthieu Prual

ADAPTATION Christian Dumais Lvowski

AVEC Denis Lavant [voix et corps]

Gaspar Claus [violoncelle et électronique]

Matthieu Prual [saxophone, clarinette basse et électronique)

CRÉATION VIDÉO=Thomas Rabillon

CRÉATION LUMIÈRE=Loïc Seveur

REGARD CHORÉGRAPHIQUE=Jérémie Bélingard

INGÉNIEUR DU SON=Matthieu Fisson

Vu le dimanche 30 janvier 2022 au Théâtre de la Reine Blanche 75018

Tournée en France à venir…

https://lesproductionsdumouflon.com/les-cahiers-de-nijinski-2/

https://www.reineblanche.com/calendrier/theatre/les-cahiers-de-nijinski

A PASSAGE TO BOLLYWOOD

Chorégraphie, Mise en scène  Ashley Lobo

     A priori la rencontre du théâtre de Chaillot, haut lieu de la recherche et de l’expérimentation chorégraphique moderne, et d’un spectacle Bollywood, une des expression culturelles les plus populaires du monde, n’allait pas de soit. Cependant après près d’une heure trente de couleurs, de danses et de chants, c’est toute la salle, à l’invitation de la troupe qui se lève et danse pour les plus hardis (ou les plus doués) ou frappe frénétiquement dans ses mains (pour les plus sages) ! Et la tour Eiffel scintillant avec à propos de milles feux à la sortie du spectacle semble elle aussi prendre part à la fête, comme si elle voulait se refléter dans le Gange ou d’un Ulhas imaginés…

     Le mérite en revient à Asley Lobo qui a su faire le choix de l’évidence : offrir le Bollywood style simplement, sans chercher à l’intellectualiser, ou l’occidentaliser. Il livre un spectacle visuel et sonore totale, où l’histoire conventionnellement n’est qu’une trame reprise à l’infini pour servir des thématiques qui sont autant de tableaux chorégraphiques.

© Navdhara India Dance Theatre 

     L’amour passion, l’amitié masculine (souvent enivrée d’alcool), l’amour impossible, la trahison, l’initiation d’un cœur pur aux méandres sentimentaux… Tout cela avec un impératif : un premier degré permanent, que nous appelons ici kitsch mais qui n’est qu’une manière de voir le monde sans cynisme. Cet aspect naïf, voire enfantin, du Bollywood est totalement assumé par Asley Lobo. Sandy amoureux danse avec un énorme coussin en forme de cœur et des danseuses tournoient autour de lui avec des cœurs clignotant en polystyrène !

     Cela n’empêche pas un vrai travail chorégraphique, et les productions Bollywood n’ont jamais eu à rougir à ce niveaux des comédies musicales américaines. Apparu dans le courant des années 60 à Bombay (Mumbai maintenant), ces films ont rapidement conquis un public jusqu’au fanatisme parfois, et certaines stars sont adulées comme des demi-dieux. Asley Lobo profite d’un scénario partant des contreforts de l’Himalaya et se jetant dans le bouillonnement de la grand ville pour faire intelligemment évoluer les styles de danse et la gestuelle. Allant des plus traditionnelles aux plus délirantes et inventives.

© Navdhara India Dance Theatre

    L’hommage est donc réussi avec également un travail de l’espace et de la lumière visant à reproduire des effets cinématographiques propres aux genres (travellings vertigineux, gros plans émotionnels…). On y retrouve aussi cet effet de montagne russes spécifique avec des moments mélancoliques laissant brutalement la place à de véritable frénésies festives ! A ce niveau le tableau reprenant le « Dola re dola » du film Devdas ( qui fit connaître à beaucoup Bollywood en 2002) est un des point culminant de la soirée ! Sans oublier la célébration magistrale à Ganesh, qui nous permet d’entrevoir qu’au delà des strass et du clinquant, cette culture populaire est irriguée par un fond religieux, un lien au sacré, omniprésent dans l’âme des danseurs et du peuple indien tout entier.

     Oui « Passage to Bollywood » est une fête qui réchauffe les cœurs, les corps et les esprits, avec grâce, naïveté et brio ! Let’s Celebrate !

CHORÉGRAPHIE, MISE EN SCÈNE Ashley Lobo

DIRECTION DES RÉPÉTITIONS Yuko Harada, Veronica Jose, Naren Lalwani

MAÎTRE DE BALLET Yehuda Maor

LUMIÈRES Sangeet Shrivastava

SON Sreejith Menon

MUSIQUE Naren Lalwani

COSTUMES Sonakshi Amitabh, Karma Chuki, Sanjana Gupta

COIFFURE, MAQUILLAGE Sonakshi Amitab, Simonil Vakil

DÉCORS Naren Lalwani, Razul Singh, Chetan Solanki

VIDÉO Bobo, Naren Lalwani

VOIX OFF Ramneeka Lobo, Harsh Singh,Pravin Shrikhan

AVEC 22 danseurs et 2 chanteurs

Du  11 au 25 décembre

Théâtre national de la Danse 1 place du Trocadéro 75116 Paris Tél. 01 53 65 31 00

https://theatre-chaillot.fr/fr/saison-2021-2022/passage-bollywood

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FLON-FLON OU LA VERITABLE HISTOIRE DE L’HUMANITE

 

Une création des Epis Noirs

Mise en scène Pierre Lericq

Les flonflons, ça vous évoque d’abord la légèreté, l’insouciance, la fête. Vous vous voyez danser dans des prés aux herbes hautes sous un ciel bleu cobalt ou bien dans une salle de bal à l’ancienne, sans téléphone portable, avec des gens, des vrais qui vous parlent et rient à gorge déployée. Et de la musique surtout ! Une musique gaie, entrainante, avec des violons endiablés, des accordéons débordant d’enthousiasme qui distillent à haute dose le doux parfum de l’allégresse.

Et puis vous vous dites que vous vous sentez prêts à en entendre des flonflons, surtout après une dure journée de travail. Et vous courez dans la salle la plus proche où se joue le spectacle et vous découvrez que celui-ci va vous raconter ni plus ni moins que la véritable histoire de l’humanité ! Enfin, en commençant par Dieu quand même, le créateur de tout et de toute chose. Non, rassurez-vous, vous n’aurez pas un cours d’histoire religieuse ludique (et encore moins rébarbative) mais un état des lieux de ce qui personnifie l’humain depuis la nuit des temps : l’amour. Alors, installez-vous confortablement sur votre fauteuil et contemplez Dieu ! Un être divin qui chante et joue de la guitare aussi bien que le commun des mortels. Au commencement, il crée le village de Boucieu-le-Roi avec une église et quelques maisons puis comme c’est un peu trop serein il y ajoute la femme et ensuite l’homme. Parce qu’il s’emmerde un peu Dieu, il faut bien le dire. L’homme, d’ailleurs, c’est le début du foutoir. C’est lui le pêché originel, ce qui vous change de la tradition. Alors, face à un Adam primesautier et un peu benêt, c’est une Eve boute en train, sexy en diable mais aussi dotée d’un tempérament d’idiote et empreinte d’une grande naïveté, qui va faciliter les choses à un dominant bien conscient de son pouvoir. Oui, car pour notre être suprême, rien de tel que de s’immiscer dans l’univers qu’il a lui-même enfanté et d’y jouer avec ses créatures.

Dieu, vous l’aurez compris, c’est Pierre Lericq, le fondateur et metteur en scène de la troupe des Epis Noirs. D’ailleurs, il s’appelle aussi Pierre dans le spectacle et il est tyrannique avec ses trois musiciens et son Adam de bric et de broc. Bien entendu, comme toute mise en abyme, vous aurez un peu de mal un peu de mal au début à faire la part des choses. Est ce le comédien ou le personnage qui vocifère ? Et puis très vite, face aux tranches de rire que vous avalez goulûment, vous êtes rassuré sur l’univers fantaisiste qui vous tend les bras. Évidemment, Dieu/Pierre va voler  la femme (Manon Andersen) à cet homme innocent (Lionel Sautet), et va la prostituer sur les trottoirs de la capitale sans oublier au passage de la tabasser de temps en temps.  C’est un peu le miroir du vrai Pierre, ardéchois d’origine monté à Paris (sans le proxénétisme et le tabassage !).

Le maitre mot de cette joyeuse fantasmagorie, aussi légère qu’éblouissante qui mêle musique et théâtre, c’est l’énergie. Ici, elle est phénoménale et enflamme les comédiens/danseurs/musiciens qui se déchainent dans  une  débauche de vitalité qui vous emporte pour ne plus vous lâcher. Vous êtes hilare face à une Manon déchaînée qui ne s’arrête plus de taper sur la malle avec ses baguettes, ou devant un Adam sautant dans tous les sens et sans cesse interpellé par un Pierre qui lui somme d’expliquer aux spectateurs ce qu’il vient de faire.

Et au final, sans doute n’appendrez vous pas grand chose sur l’humanité mais vous apprécierez beaucoup plus l’humain. Vous vous direz que le théâtre, n’a parfois nul besoin de faire passer un autre message que celui qu’il peut exister dans notre funeste société d’intenses moments à partager avec nos semblables.

Les Epis Noirs vous font du bien. Ils vous rendent euphorique pour des semaines. Dommage, car, ce soir, au Théâtre Toursky de Marseille, vous avez assisté à l’ultime représentation de « Flon Flon » avec plus de 850 représentations au compteur ! Vous imaginez ainsi le nombre impressionnant de personnes qui ont pu bénéficier de cette bouffée de bonheur que jamais aucun antidépresseur ne pourra vous apporter.

 

Photos Jo’ Graffies

Mise en scène :

Pierre Lericq

Distribution :

Pierre Lericq, Manon Andersen, Lionel Sautet

Musiciens :

Fabien Magni, Svante Jacobsson, Marwen Kamarti

Lumière :

Véronique Claudel

Son :

Philippe Moja

https://www.youtube.com/watch?v=onB4Rb0lu6M&list=RDonB4Rb0lu6M&start_radio=1&t=63

Vu la dernière représentation de ce spectacle au Théâtre Toursky le 07/02/2020

Théâtre Toursky

16 Prom. Léo Ferré, 13003 Marseille

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