LE MALADE IMAGINAIRE ou ARGAN ET SES FEMMES

L'affiche du spectacle

Un texte de Molière adapté par Philippe Colo

Mise en scène: Philippe Colo et Alexandra Boussot

Votre médecin vous a prescrit des spectacles incisifs ? Ce comprimé de Molière fera l’affaire ! « Le Malade imaginaire ou Argan et ses femmes » proposé par Alternance Théâtre est en effet un concentré de l’art de Molière (auteur, chef de troupe, comédien, etc). dont on célèbre aujourd’hui les 400 ans de succès ininterrompu.

 

« Le Malade imaginaire », comédie-ballet à l’ampleur qu’on imagine sous les ors du grand siècle, se trouve ici compressé en un spectacle burlesque pour deux comédiens virevoltant autour d’un fauteuil. C’est précisément, la comédienne qui tourne autour du supposé malade accroché à son fauteuil et sa canne ; Alexandra Boussot, tout à tour filles et femme du malade, mais essentiellement servante au bon gros sens, à la langue pendue qui se joue de son maître, jusqu’au dénouement classique chez Molière : la cérémonie finale ou déguisée en grand Mamamouchi de la médecine, elle adoube le malade dans l’ordre sacré des épigones d’Hippocrate.

Peu d’espace, peu de décors, or quelques accessoires et le fameux fauteuil… emprunté à la comédie française ? L’original supposé, sur lequel Molière aurait exhalé les dernières répliques de sa vie lors de la quatrième représentation du « Malade imaginaire »? Mort le soir même, on lui accorde de justesse les derniers sacrements avant de l’enterrer nuitamment. Ses textes, avec le succès, lui ont suscité de nombreux ennemis, parmi les prêtres, parmi les médecins comme cela est précisément évoqué quand le malade imaginaire, grand adorateur des médecins, menace ce fameux Molière qui les éreinte tant, d’être exclu de leur diligence au soir de sa vie.

Molière, l’esprit de la farce et de la commedia qu’il a fait entrer dans le théâtre littéraire se trouve concentré ici dans le jeu des deux comédiens : un jeu théâtral dans le meilleur du terme, laissant saillir les outrances des personnages de la comédie. Avec la truculence d’un Jean Le Poulain pour Philippe Colo qu’accompagne toute la malice et l’effronterie d’Alexandra Boussot.

La satire des médecins, engoncés dans une science et des usages irrécusables, drapés dans l’autorité de leur galimatias latin résonne encore 400 ans après. Elle n’est pas sans rappeler les errements de quelques savants contemporains, fort dépourvus devant les calamités surgissant du réel.

Une heure de spectacle seulement mais contenant tous les morceaux d’anthologie: la servante sermonnant son maître (« vous êtes trop bon ! »), la mort jouée pour percer à jour les vrais sentiments des uns et des autres, le travestissement final en médecin extravagant (« Me couper un bras et me crever un œil, afin que l’autre se porte mieux !« ) dénouant l’intrigue.

Du grand Molière en mini format.

 

 

 

Au Théâtre Al Andaluz (25, rue d’Amphoux
84000 – Avignon)

17h25, du 7 au 30 juillet – Relâches : 12, 19, 26 juillet

 

 

 

Les Bonnes de Jean Genet

Mise en scène de Bea Gerzsenyi

Qu’est-ce qu’un classique au théâtre ? Un texte abyssal qu’aucune représentation ne clôt, interprétable à l’infini et dans tous les sens possibles. La mise en scène de Bea Gerzsenyi confirme la virtuosité de l’écriture des Bonnes de Jean Genet. Cela est certes le moindre des hommages rendu au génial littérateur. De quoi y est-il véritablement question ? De domination de classe, de ressentiment social, de jalousie sororale, de haine de soi, de délire psychotique ? A l’évidence, de tout cela à la fois et de bien d’autres choses encore. La metteuse en scène investit ce texte hypnotique et vertigineux avec une grâce subtile. La cérémonie des deux sœurs convoque danse, combat, cris et hurlements, dans un déferlement de violence qui va crescendo jusqu’à l’enfantement de la monstruosité. Organique et subtilement pervers, cette mise en scène au bord de la transe s’accorde à merveille avec le texte de Genet qui distille savamment les accents de la folie haineuse. Solange se délecte en pensée du crime à venir  : « ll faut rire. (…) Sinon le tragique va nous faire nous envoler. L’assassinat est une chose… inénarrable ! Chantons. Nous l’em­porterons dans un bois et sous les sapins, au clair de lune, nous la découperons en morceaux. Nous chanterons ! » Et les sœurs sont dans une telle communion que l’on ne sait plus parfois laquelle parle, sentiment que les jeux de miroir    de la scénographie réfléchissants viennent corroborer. Madame avait la même intuition de sœurs siamoises. « Claire ou Solange, vous m’irritez – car je vous confonds, Claire ou Solange, vous m’irri­tez et me portez vers la colère ( …) »  clame Claire, » ou « Madame a soigné Claire ou Solange, car Madame nous confondait toujours » surenchérit Solange. La beauté plastique de l’espace scénique, du décor réifié de Madame au gazon bleu attestent d’une vision très particulière de la visée de cette pièce canonique. 

Haïr engendre le monstre en nous semble nous dire l’artiste. Les comédiennes forment un duo fascinant et électrique, tout en contraste et en fusion. La fragilité de l’une (Grace Lynn Mendes alias Claire, la douce) se mue insensiblement en force quand la violence de l’autre à son égard (Sabrina Bus alias Solange, la folle) atteint un degré de rage démentielle. Mais la violence verbale et physique est finalement telle qu’elle accapare  les sœurs monstrueuses dans un même mouvement.

Les ambitions de la mise en scène  sont grandes et ouvertement politiques. Venue d’une Hongrie devenue illibérale, ce qu’il faut entendre comme  ouvertement anti-démocratique, on sent à l’évidence chez Gerzsenyi l’envie d’en découdre avec l’institutionnalisation de la haine que les autocrates du moment ont créé. On sait que haïr l’Autre, le différent, le particulier est devenu la pierre de touche des Poutine, Orbán et consorts. Les Bonnes de Bea Gerzsenyi ne donnent—elles pas à voir et à penser cette haine qui corrompt les cœurs et les esprits ? L’exclusion sociale, raciale ou de genre s’affiche en couleurs, en rose et bleu, en noir et blanc. L’intensité de ce drame sororal portée par des comédiennes habitées fera à coup sûr parler de lui cet été en Avignon.

        Anna Kohn

Bouffon Théâtre le 16 juin à 20h et à l’Espace Alya, du 06 au 28 juillet 2022, 31 bis rue Guillaume Puy, Avignon,   Réservation obligatoire au 04 90 27 38 23,  6 au 28 juin 2022 (relâches les 12, 19 et 26 juillet).

Photos Copyright Artykfilm

LES JEUX DE L’AMOUR ET DES CONTINGENCES

D’Avner Camus Perez.
Mise en scène par lui-même.

 

Le tout jeune Baruch Spinoza croise le grand amour aux leçons de latin et de grec dispensées par Clara-Maria, sa jeune préceptrice en l’absence de son père,  le médecin Franciscus Van Den Enden dont l’enseignement iconoclaste agite les esprits neufs d’Amsterdam.
Une liaison amoureuse au cœur de ses conception philosophiques?…
C’est à fleurets mouchetés que les deux jeunes gens esquivent et parent les idées tout en tentant de dompter le désir physique de l’amour.
Dans ce marivaudage  philosophique l’amour, le désir et la raison jouent à cache-cache.
Ces joutes amoureuses et spirituelles offrent au public une initiation aux principes de la philosophie de Spinoza. Au terme de ce chassé-croisé, la jeune femme devra faire un choix entre Spinoza et un autre prétendant, se décider pour l’audace ou le conformisme.
Ce spectacle est une leçon vivante et joyeuse orchestrée  dans une scénographie simple et légère.
Un beau moment d’émotion magnifiquement servi par les comédiens Raphaël Plutino (Spinoza) et Manon Palacios (Clara-Maria)
Un projet original et courageux à montrer absolument aux étudiants.

Mise en scène : Avner Camus Perez
Chorégraphie : Maelis Seguin

Avec:
Aver Camus Perez
Raphaël Plutino
Manon Palacios

Théâtre de la Carreterie à Avignon.

Jusqu’au 31 juillet à 16h00, les jours impairs.

Texte publié aux éditions L’Harmattan 2021.