De Shakespeare. Traduction Jean-Michel Déprats
Mis en scène de Christophe Rauck
Le jeune Orlando s’enfonce dans la forêt, fuyant un mauvais frère ayant depuis toujours attenté à ses prérogatives nobiliaires et même, récemment, à sa vie. Rosalinde, dont il vient de s’éprendre, parallèlement en fuite d’un oncle, usurpateur de son duché, trouve refuge dans cette même forêt. Pour voyager, elle s’est travestie en homme ; Orlando ne la reconnaît pas. Dans cette nature enchanteresse mêlant personnages bucoliques (jeunes forestiers et paysans amoureux) et mondains blasés échappés de la cour (l’ancien duc et ses compagnons exilés, un bouffon de cour, Jacques le sage) Rosalinde s’amuse à éprouver la sincérité de son amoureux
L’histoire ou plutôt la multitude d’intrigues entremêlant luttes de pouvoir fratricides et jeu des sentiments importe peu ; les dénouements en seront rapidement expédiés. Cette aimable comédie donne surtout l’occasion de brillantes et joyeuses joutes verbales entre les sexes et de réflexions profondes et futiles des prétendus sages et supposés fous. Ecrite après ses sonnets et avant les grandes tragédies, cette pièce de Shakespeare, invite en son titre à l’exquise politesse, à célébrer la légèreté, la fantaisie, l’artifice. Le décor d’Aurélie Thomas est ainsi composé d’animaux factices entourés de gigantesques et magnifiques peinttures arborées tendues de part et d’autres de la scène, des animaux empaillés ainsi que le gigantesque trophée d’une tête de cerf. On entend les aboiements des chiens, des bruitages de chasse à courre. Le goût anglais s’affiche encore dans les costumes, « classic with a twist » car jouant eux-aussi du réel (par des anachronismes brassant dans un raffinement constant plusieurs époques). Ce motif de la chasse, justifiant par excellence la présence des nobles en forêt, mais aussi métaphore de l’amour, risquant toujours de virer en cruauté, constitue un contre-point indispensable ; la sourde inquiétude de la bande-son exhaustant la saveur frivole des badinages spirituels et amoureux. Artifice encore, le choix de musiques et chants baroques, étendards de la cour, sa grandeur et sa pompe mais que Marcus Borja, le chef de choeur, glisse délicatement vers le kitsch à la faveur d’une très belle et entraînante adaptation d’un tube disco (on se serait levé pour danser!). Variations de réalité, toujours, dans ce décor dont les arbres immenses sur des tentures demeurées quelque peu dans les brumes révèlent toute leur majesté au passage d’un éclairage saisissant. Et c’est avec grâce et vivacité que les comédiens s’engagent et évoluent sur la sobre scénographie du plateau, modelant les corps dans les émotions de l’instant. Le jeu, naturellement, est raffiné (postures outrées, discours au micro) ou alors marqué d’incongru, d’un je ne sais quoi de décalé sous lequel pointe la jubilation du comédien, l’envie de fantaisie et d’amusement, celle de valser en l’air les quilles de l’artifice et de la réalité, de jongler avec le faux qui dit le vrai… Comme il vous plaira. Dans toute cette poésie, on rit beaucoup, enfin, tant le plaisir des acteurs, tous formidables, est contagieux.
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Mise en scène Christophe Rauck
Traduction Jean-Michel Déprats
Dramaturgie: Leslie Six
Scénographie: Aurélie Thomas
Direction musicale: Marcus Borja
Costumes: Coralie Sanvoisin assistée de Peggy Sturm
Lumières: Olivier Oudiou
Son: Xavier Jacquot
Avec: John Arnold Jacques le mélancolique, Charles, Jean-Claude Durand le duc Frédéric, le duc Aîné, Cécile Garcia Fogel Rosalinde, Pierre-François Garel Orlando, Pierre-Félix Gravière Olivier, un seigneur, Silvius, Maud Le Grévellec Célia, Jean-François Lombard le Beau, un forestier, Denis, Amiens, Mahmoud Saïd Adam, Corin, le curé, Luanda Siqueira Phébé, un seigneur, William, Alain Trétout Pierre de Touche
Durée : 3hs avec entracte.
Au Théâtre 71, à Malakoff, du 28 mars au 13 avril.
Au Bateau Feu, à Dunkerque, les 17 et 18 avril.
Au Théâtre de Sénart, du 3 au 5 mai.
À la Maison de la culture d’Amiens, les 15 et 16 mai.