MICHEL ANGE OU LES FESSES DE DIEU

De Jean-Philippe Noël

Mise en scène: Jean-Paul Bordes

Un homme paraît sur scène, tendant ses main, les outils de l’artiste, auxquelles on a commandé de peindre, qui plus est « à fresque », alors que lui, Michel Ange, se défend d’être sculpteur, uniquement sculpteur.

Mais tout de même ! Il est question d’orner la voûte de la chapelle sixtine, la plus grande chapelle du Vatican ; là même où l’on cloître les cardinaux au moment de l’élection du pape. Pour les fresques murales de cette prestigieuse chapelle on a auparavant fait appel aux plus grands peintres de l’époque : Botticelli, Le Pérugin et consorts. Le dernier pape élu, Giuliano della Rovere, désigné par ses pairs en 1503, sous le nom de Jules II, a maintenant commandé à Michel Ange, artiste universel (sculpteur, peintre mais aussi poète) de décorer les 800m2 de cette immense voûte en berceau, située à plus de 20 mètres du sol. Le bleu du ciel parsemé d’étoiles doit faire place à neuf scènes de la genèse.

On entre dans les contradictions de l’artiste, qui se débat dans les difficultés matérielles et financières, pressé par les besoins de sa famille tenue pourtant le plus possible à distance, les conflits avec ses assistants qu’il vient tous de licencier. Pour ne pas s’empêtrer dans leurs préventions artistiques, Michel Ange a choisi de travailler, seul, sans concession assisté uniquement d’un valet, ignare en art, mais qui lui semble tout dévoué (Jean-Paul Comart, parfait dans les lamentations mais aussi les roueries de ce Sganarelle-là).

Prototype de l’artiste obsessionnel et associable, il se méfie encore de ses confrères – et surtout de son grand concurrent, le mondain Raphaël, dont l’oeil absolu est capable, tout comme le sien, de « photographier » en un instant une œuvre entière pour en reproduire et reconvertir ensuite, sans qu’il y paraisse, la nouveauté essentielle.

L’artiste affronte surtout la matière, ces pigments qu’il tient à traiter lui-même, les moisissures qui menacent le travail. Toute cette matière marque les hardes et le corps de l’artiste, constamment tordu sur son échafaudage. Le jeu du comédien, Jean Paul Bordes, tout en tensions, fait ressortir les souffrances de l’artiste supplicié.

Son mécène, Jean Paul II, interprété par François Siener, sur une pente rabelaisienne, est, lui, tonitruant, prodigue d’argent pour sa gloire et celle de l’Église, d’amour pour sa femme et sa fille, de coups pour ses adversaires (jusque sur les champs de bataille où il paraît en armes à la tête de ses troupes). Jules II s’inquiète de l’achèvement des travaux (Michel Ange est en effet connu pour ses inachevés) : qui s’inquiétera de ces détails qui tourmentent l’artiste ?

L’affrontement de ces deux caractères se déroule dans la chapelle, déclarée sienne par Michel-Ange, c’est en effet lui qui s’approprie toutes les dimensions de ce lieu sacré : le sol où se triturent la peinture et les échafaudages, d’où surgit la création artistique. Le pape, reste en bas… ses conceptions aussi. La mise en scène joue particulièrement de ce lieu : hors champs dans les échafaudages, échos de la voûte, réflexions de l’artiste en voix off pour faire de cette chapelle, magnifiée par l’éclairage de Stéphane Balny et la création sonore de Michel Winogradoff, un quatrième personnage.

Le texte, enfin, truffé d’anecdotes savoureuses sur cette époque si prodigue en géants artistiques invite à une passionnante promenade culturelle.

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Crédit Photo : Lot

Mise en scène : Jean-Paul Bordes
Scénographie : Nils Zachariasen
Costumes : Pascale Bordet assistée de Solenne Laffitte
Lumières : Stéphane Balny
Création sonore: Michel Winogradoff

Avec : François Siener: Julles II, Jean-Paul Bordes: Michel-Ange, Jean-Paul Comart: le valet Mattéo, César Dabonneville:  le modèle.

Du 9 janvier au 24 février 2018 au Théâtre 14

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