LA ROSE ET LA HACHE

Texte d’après « Richard III ou l’horrible nuit d’un homme de guerre » de Carmelo Bene à partir de William Shakespeare

Mise en scène Georges Lavaudant

Les astronomes ont la comète de Halley, les éclipses solaires. Avènements rares et cycliques. Elles reviennent, elles reviennent. Mais leur éternel retour n’évite pas qu’on en rate le rendez-vous. La Rose et la hache est, pour le théâtre, notre comète, notre éclipse. Apparue la première fois en 1979 elle se produit à nouveau, furtivement, du 16 au 20 mai dans le ciel de Saint-Denis au TGP.

Heiner Müller avait écrit un « Hamlet machine », Carmelo Bene a créé un « Richard ex machina ». Il réduit à l’os Gloucester toute l’intrigue. Jetés hors scène presque tous les personnages et leurs trajectoires, comme on se débarrasse d’un mauvais gras, ou d’un mauvais peuple. Tout passe par Richard qui est l’obsession unique de Richard. « Tout un monde pour rien », disait Shakespeare par la voix de son noir héros. Ce rien, ce « néant », n’est autre que Richard lui-même. Lavaudant nous fascine et nous plonge dans ce trou noir inhumain, trop inhumain. Il nous hypnotise avec ce roi qui s’auto-engendre. Scène hallucinée, proprement extraordinaire, où Richard répète, ivre de puissance folle : « Je suis roi ! Je suis roi ! ». Il traverse la scène, une traîne royale ensanglantée ceinte autour du cou. Il traverse dans le fracas des stroboscopes, sans fin. Et, à l’autre bout de la traîne, la tenant comme s’il était le peuple à lui seul, Richard encore. G. Lavaudant taille aussi dans le texte shakespearien avec son art de la lumière et de la scénographie. Rien que des contrastes, noirs et blancs, rouge. Le vin du crime qui stagne dans les verres, la traîne royale, jusqu’au mot « fraise » que Garcia-Valdès écrase vingt fois sous sa dent. Une esthétique qui serait comme un regard sur le monde, pour le réduire à un échiquier où les pièces du jeu, la pièce et le jeu, saignent. Pour que cette puissance visuelle n’écrase pas le spectacle, à la manière d’un monarque tyrannique, il faut un comédien hors du commun. Capable de servir et d’imploser dans le cadre même qui l’enserre, Gabriel Garcia-Valdès est ce comédien. Il semble sans cesse pirater chaque scène, qu’il prend à l’abordage. Il n’est jamais évident, mais retord. Il prend, lui aussi, le pouvoir sur le plateau qu’il vampirise.

Si Richard était un comédien, il serait Garcia-Valdès. Et si Garcia-Valdès était roi ?

 

photos © Pidz

Avec

Elisabeth Astrid Bas,

Gatesby, le Roi Edouard Babacar M’baye Fall

Richard, Duc de Gloucester, puis Richard III Ariel Garcia-Valdès

Marguerite, Georges Lavaudant

Lady Anne Irina Solano

décor, accessoires et costumes Jean-Pierre Vergier
lumière Georges Lavaudant
son Jean-Louis Imbert
maquillage, coiffure, perruques Sylvie Cailler et Jocelyne Milazzo
chorégraphie Jean-Claude Gallotta

Théâtre Gérard Philipe

59, boulevard Jules-Guesde, Saint-Denis

DU JEUDI 16 AU LUNDI 20 MAI 2019

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