YSTERIA

Texte et mise en scène Gérard Watkins

     C’est une belle production que cet Ysteria, comme on pourrait dire qu’une conversion hystérique est une belle production. Puisque artistes, comédiens et hystériques mettent tous en scène un objet poétique, un effort de création venant heurter le quotidien, le sens commun, pour nous mettre tous en question. Les surréalistes ne s’y étaient pas trompés. André Breton dans son article « Le cinquantenaire de l’hystérie » (numéro 11 de la revue La révolution surréaliste) la célébrait comme « la plus grande découverte poétique du XIXème siècle », insistant sur ce que « L’hystérie n’est pas un phénomène pathologique et peut, à tous égards, être considérée comme un moyen suprême d’expression. » Une partie du corps, ou une fonction du corps, s’autonomise du sujet pour interpréter un texte inconscient, un texte refoulé, sous une forme étrange et familière. L’hystérie a bien tout à voir avec le théâtre. Et je ne parle pas là du théâtralisme, de l’histrionisme, que l’on reproche souvent aux hystériques. Le lien est celui d’une figuration sur une scène, une présentification pour suivre Freud (darstellung), qui est en jeu dans le processus de l’identification hystérique, matrice de la conversion. Au théâtre c’est une partie du corps, social cette fois, qui subit une torsion, vire au monstre, pour dire une vérité impossible à dire sans artifice. Et ce dans la matérialité : chair, sang, voix, peau, gestes du comédien…

Gérard Watkins a parfaitement saisi les enjeux fondamentaux de l’hystérie et leur donne une forme scénique passionnante.

 

l’hystérique « fabrique, comme elle peut, un homme  », Jacques Lacan

Photo Pierre Plachenaud

 

     Il parvient à la fois à faire comprendre, tout en restant ludique ; à transmettre beaucoup d’humanité sans tomber jamais dans le pathos.

      Son texte frappe par l’écart entre des dialogues triviaux et des émergences purement  poétiques et étranges. Surgissement poétique de la langue qui consonne avec l’étrangeté poétique de la conversion. Écarts encore entre des personnages de théâtres volontiers distanciés et la souffrance des malades. Distanciation brechtienne (adresses au public, abolition du quatrième mur), mais sans second degré ni ironie. De l’humour, mais dans une totale implication des acteurs dans les enjeux propres à l’hystérie. Il faut ici distinguer deux comédiens. Julie Denisse livre une magnifique performance qui donne son nerf à tout le spectacle. Malo Martin incarne un Arthur extrêmement juste et touchant. Saluons d’ailleurs l’intelligence de Watkins qui ne fait pas de l’hystérie une question de femme, puisque Freud lui-même, inventeur du concept de bisexualité psychique, n’a jamais borné ainsi cette problématique psychique.

     Loin des cliché pseudo psychologiques Watkins donne à penser le psychisme humain. Loin d’une pseudo avant garde Watkins est profondément contemporain et aiguisé dans ses choix qui emportent une réelle adhésion.

 

texte et mise en scène Gérard Watkins

Avec : Julie Denisse, David Gouhier, Malo Martin, Clémentine Menard,  Yitu Tchang

scénographie Gérard Watkins

lumières Anne Vaglioson François Vatincostumes Lucie Durand

régie générale Frédéric Plou

du 21 mars au  14 avril 2019

La Tempête, Cartoucherie, Route du champ de manoeuvre – 75012 – Paris

https://www.la-tempete.fr/saison/2018-2019/spectacles/ysteria-564

 

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