De Victor Hugo
Mise en scène Kheireddine Lardjam
L’histoire : Cyprienne et sa famille vont être saisies de tous leurs biens par les huissiers. Leur seule échappatoire serait d’accepter l’infâme marché de Rousseline, banquier sans scrupules : il les sauvera à condition que la belle Cyprienne l’épouse… Mais c’est sans compter sur Glapieu, repris de justice en cavale qui s’est réfugié clandestinement dans la maison. Ce Robin des rues, Arsène Lupin d’opportunité, réussira-t-il à sauver cette famille des griffes du banquier ?
Hugo, sous le rire et les masques comiques, livre une pièce incendiaire sur la société capitaliste. Un texte écrit en exil à Guernesey en 1866, et qu’il refusera de donner à jouer : «Mon drame paraîtra le jour où la liberté reviendra.» Un rythme et une machine à la Feydeau, dans un creuset que Molière n’aurait pas renié, pour cingler les esprits avec le meilleur fouet : l’ironie dévastatrice. La mise en scène de K Lardjam ne fait qu’un avec cet Hugo là. Le jeu des comédiens, à la fois dans la théâtralité et la vivacité permanente, allume la mèche et entretient l’énergie de l’œuvre. Maxime Atmani (Glapieu) tout d’abord, pétille de rouerie dans une interprétation d’une grande virtuosité. Linda Chaïb (Etiennette) aussi précise dans le geste que libre dans sa folie burlesque est purement jubilatoire. Le reste de la distribution, au diapason, est le plus souvent excellente. Cette réussite dans le jeu est permise par l’intelligence du metteur en scène, qui dans tous ses choix fait vibrer le texte que l’on pourrait croire écrit hier. Il n’y a pas ici le second, ou dixième, degrés de certains qui se servent de l’œuvre, forcément datée, pour exprimer leurs idées qu’ils pensent plus modernes, mais qui ne sont souvent que plus quotidiennes. D’autres auraient coupé ce monologue lyrique et passionné sur La Marseillaise, qui peut sembler tomber comme un cheveu sur la soupe, pas K. Lardjam. Il l’assume totalement. Et grâce au talent de Samuel Churin , en fait une scansion poétique et politique d’une grande puissance. La scénographie, de la déjà remarquée Estelle Gautier, enchaîne à un rythme d’enfer les tableaux avec autant d’évidence visuelle que de simplicité plastique. Le recours au bestiaire (masques et projections) fonctionne parfaitement, nous renvoyant tant à celui de La fontaine ou Ben Jonson (Volpone) qu’à celui du clip vidéo d’« Argent trop cher » de Téléphone (Julian Temple). Lardjam livre au final un spectacle d’une grande cohérence où le rire, l’intelligence, et la justesse politique sont les ingrédients d’un cocktail Molotov théâtral salvateur.
Avec :
Maxime Atmami : Glapieu
Azeddine Benamara : Rousseline
Romaric Bourgeois : Scabeau, huissier de saisies / Un huissier de tribunal
Linda Chaïb : Étiennette
Samuel Churin : Le Major Gedouard & Le Baron De Puencarral
Étienne Durot : Edgar Marc
Aïda Hamri : Cyprienne
Cédric Veschambre : M. De Pontresme
Collaboration artistique: Cédric Veschambre
Scénographie et collaboration artistique: Estelle Gautier
Lumière: Victor Arancio
Son: Pascal Brenot
Composition musicale: Romaric Bourgeois
Vidéo: Thibaut Champagne
Costumes: Florence Jeunet
Dessinateur: Jean-François Rossi
Chorégraphe: Bouziane Bouteldja
Au Théâtre de l’Aquarium du 22 mars au 8 avril 2018
Au Théâtre Dijon Bourgogne du 27 au 29 mai 2018.