LES BORDS DU MONDE

Dramaturgie et mise en scène Laurent Poncelet

      La nouvelle création de Laurent Poncelet élaborée avec des artistes venus des favelas du Brésil, des rues du Togo, du Maroc ou d’Haïti, et deux comédiens réfugiés politiques de Syrie, danse sur les frontières comme on danse sur les barbelés, comme on se brise contre les murs. Frontières entre les pays et les cultures, mais aussi frontières qui mettent les femmes au sud du monde. Mais aussi frontières qui mettent les homosexuels à l’ombre de l’invisibilité, dans les cultures où être gay c’est ne pas être homme. Durant près d’une heure trente la douzaine de jeunes artistes tente de passer outre. Ces ségrégations géographiques, économiques, sociales… sont représentées par une structure mobile double, à la fois cage de métal, et palissade infranchissable.

      Les Bords du monde est d’abord un spectacle que l’on ressent dans son propre corps. Douleur par procuration quand les corps s’écrasent contre la paroi, tombent lourdement sur le sol, s’éreintent contre la cage d’acier. Aucun des artistes ne s’épargne, tous nous éprouvent, tant leur générosité totale bouscule et bouleverse. Car c’est en suite l’émotion qui se transmet. Vivre libre ou mourir.

      Les bords du monde est un spectacle impressionnant, au sens physique et émotionnel. Un spectacle qu’il faut voir pour se souvenir que la liberté est une chose qui s’arrache.

      S’affranchir : des regards, des humiliations, de la dictature ; par la colère, le pathétique, la joie parfois, le partage toujours. Bonheur de voir ce patchwork humain, soudé par la sueur et une même quête. Celle des refoulés qui frappent à la porte, avec leurs cris, leur danse, leur crane s’il le faut. « Tu me comprends ?» dit un acteur réfugié Syrien à un jeune danseur homo, « C’est pas grave, je continue. » Et ils continuent, ils continuent, ils continuent… Emportant notre admiration et réanimant la fraternité. Car ce spectacle s’adresse à tous. A tous ceux qui ont en eux une liberté, une singularité écrasée, sans parole. Il nous crie que, comme la parole, la liberté ne se donne pas, elle se prend. Le maître mot de la performance scénique n’est pas ici le niveau de technicité, même s’il est excellent. Selon Poncelet : «  L’authenticité », « Avoir quelque chose à dire, quelque chose dans les tripes » fut le critère de choix essentiel pour constituer son collectif.

      Un jeune danseur de capoeira tourne, saute, se cabre en arrière, sans fin, comme dans un cercle invisible dont il ne peut s’échapper. Les percussions forcenées figurent à la fois son énergie sonorisée, et le fouet qui le cingle. Il danse jusqu’à l’épuisement, jusqu’à ce que son geste ne soit plus une danse, jusqu’à se rompre et presque mourir. Jusqu’aux bords du monde pour y retrouver la vie.

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Dramaturgie et mise en scène Laurent Poncelet

Assistant Jose W. Junior

Avec : Gabriela Cantalupo, Abdelhaq El Mous, Luciana Gética, Zakariae Heddouchi, Márcio Luiz, Ahmad Malas, Mohamad Malas, Carolayne Miranda, Lucas Pixote, Germano Santana, Clécio Santos, Sodjiné Sodetodji,

Création musicale Zakariae Heddouchi et Clécio Santos

Lumière Fabien Andrieux

Du 12 au 22 avril 2018 au Théâtre de l’Épée de Bois, Cartoucherie, 75012 Paris

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