D’après l’oeuvre d’Honoré de Balzac
Adaptation et mise en scène : Camille de la Guillonnière
Des volets blanc décatis et un encadrement de fenêtre suspendus sur le plateau ; une armoire au fond et un fauteuil fané par les ans… Voilà l’habitat bourgeois typique d’une petite ville provinciale mais marquée par l’avarice forcenée de son propriétaire. Cette grandeur délavée, laissée en jachère par Grandet, vigneron devenu immensément riche, dont toute l’énergie et l’intelligence restent focalisées à travailler et thésauriser, excite les convoitises de deux familles concurrentes, celles du notaire et du banquier de la ville. De par leur fonction, ils sont les seuls à avoir mesuré l’étendue des richesses de Grandet… même si toute la ville renifle, à leur insistante obséquiosité, l’odeur du magot. Chacune des deux familles ambitionne donc, pour son fils un mariage avec la fille de Grandet, Eugénie. Balzac nous dépeint la malice et les calculs de tous (y compris Grandet, qui utilise de son côté l’ambition des deux familles concurrentes comme appât « pour pêcher plus gros ») de cette inévitable comédie des intérêts jouée dans le grand monde, à Paris, comme dans les plus minuscules provinces.
On prend d’abord ce début choral, à six voix, qui présente ainsi les personnages et partant la situation, comme les voix des commères de Saumur, ces petites villes de province où l’on sait tout sur tous et l’on s’attend à voir se détacher les personnages de l’histoire, mais non ! Il ne s’agit pas ici d’une adaptation du roman. Balzac lui-même n’a jamais triomphé sur les planches, malgré quelques tentatives pour se refaire et payer ses énormes dettes, c’est dans le roman -moins rémunérateur en son temps- que s’exprime le mieux son génie. C’est donc cette forme que le metteur en scène à tenu à conserver sur le plateau : le texte, tout le texte, jusqu’aux moindres termes d’énonciation (« dit-il », « pensa -t-il », etc).
Quel bonheur d’entendre le texte, de se faire lire à six voix, une voix, trois voix, par d’excellents comédiens la phrase de Balzac. La diction est impeccable ; la rigueur et le soin apportés à l’énonciation du texte autorisent alors toutes les fantaisies du jeu : aucun ajout ou commentaire, mais une interprétation vive et enjouée marquant les respirations, les silences, les changements de rythme. Ajoutant au charme de cette « lecture gesticulée », les comédiens chantent parfois, accompagnés à la guitare. Un régal, spécialement pour les amateurs de la Comédie humaine.
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Interprètes : Hélène Bertrand, charles Pommel, Lara Boric, Erwan Mozet, Pélagie Papillon, Lorine Wolff.
Assistant à la mise en scène : Frédéric Lapinsonnière
Créatrice des costumes : Nelly Geyres
Créateur Lumièes : Luc Muscillo