EUROPE CONNEXION

d’ Alexandra Badea
Mise en scène : Vincent Franchi

Il fallait bien que quelqu’un, un jour au théâtre, s’attaque à la machine « Europe » de manière frontale. Pour cela, le matériau idéal, c’est sans doute « Europe connexion », le texte d’Alexandra Badea (Grand prix 2013 de la littérature dramatique du CNT pour « Pulvérisés »).

Adapté plusieurs fois déjà, notamment par Mathieu Roy en 2016, c’est au tour du metteur en scène marseillais Vincent Franchi de s’approprier la pensée intérieure d’un énarque, ancien assistant parlementaire, devenu lobbyiste de pesticides, grassement rémunéré.
Debout dans un carré blanc, le comédien (formidable Nicolas Violin) à la gestuelle millimétrée, déploie son verbe, qui, autrefois matrice de la civilisation, est devenu le carburant du système, s’engouffrant dans le moteur de la rhétorique libérale et dévoilant petit à petit la mécanique impitoyable d’une machine huilée par de nombreuses années d’édification. Lui, l’énarque, n’ignore pas qu’il n’est qu’un rouage, même de luxe, mais il a fait son choix, celui de la jouissive sensation du pouvoir, celle qui vous fait sentir plus vivant que le commun des mortels. Tout cela au détriment de l’éthique, de la morale et même du sacrifice des êtres aimés, tel ce grand-père, dépassé et excédé par ce rejet irrespectueux des traditions ancestrales agricoles qui ont pourtant fait leurs preuves.
Mais tout cela a un prix. La dépression guette toujours et attend insidieusement son moment dans les couloirs de la toute puissance. Peut-être est-elle déjà présente dans les vidéos de ces restaurants et hôtels au design insipide et morne, dans lesquels notre lobbyiste prend ses rendez-vous et ses rares phases de repos. Ou alors c’est le grand-père que la psyché tente de refouler mais qui s’accroche à la paroi, pas encore éradiquée, du souvenir d’une époque chaleureuse.
Mais il faut se ressaisir. Plus rien ne sera comme avant. Impossible de continuer ce boulot et d’en assumer les conséquences. Et ce ne sont pas ces myriades d’abeilles menacées par la folie de l’industrie qui vont tout changer. Non, il faut trouver une porte de sortie. Le système sait gérer sa propre contradiction, il y a bien un moyen….
Cette descente aux enfers à l’issue logique, est menée de main de maître par Nicolas Violin. Cadenassé dans un costume cravate asseyant sa positon de technocrate, il nous fait vivre ses joies et ses tourments avec une parfaite maitrise de sa partition.
L’emploi permanent du « Tu » au lieu du « Je » évite l’empathie et la psychologie pour nous plonger la tête la première dans les méandres d’un monde parallèle, où les multinationales font la loi.
La mise en scène de Vincent Franchi a su cerner l’essentiel du texte. Le carré blanc, neutre et clinique, et les projections vidéo sur trois écrans renforcent la démonstration d’une machine implacable où la politique est confiée aux ratés, alimentant ainsi l’engrenage d’un système auto régénérant que, visiblement rien ne peut ébranler.

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© Photographies : Roxane Samperiz

Interprétation : Nicolas Violin
Lumière : Léo Grosperrin
Vidéaste et sons : Guillaume Mika

Texte édité : éditions de l’arche

Production : Compagnie Souricière

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Vu le 19/07/2017 à Artéphile (Avignon)
Prochaines dates à venir : 21, 23, 24, 25, 26 et 27 juillet à 19h05

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