D’après Molière
Conception, interprétation et animation graphique Anne Kessler, de la Comédie-Française
Anne Kessler et la Comédie Française, donnent de l’air et font voyager cette forme singulière de spectacle, le Singulis. Une carte blanche donnée à un acteur de la grande maison, pour explorer sa relation singulière, avec un auteur, une œuvre, un personnage… Liberté de ton pour un seul(e) en scène, et la possibilité pour le public d’une rencontre intimiste avec un artiste qui sort du rang de la troupe pour faire entendre sa petite musique.
De musique il est justement question dans le propos liminaire d’Anne Kessler pour présenter son travail : « J’avais besoin du jouer du Molière comme un musicien a, je pense, besoin de jouer du Bach .» Elle joue donc tour à tour huit facettes féminines, à la fois continues et discontinues, de la plus jeune (Louison du « Malade imaginaire »,) à la plus vieille (Madame Pernel du « Tartuffe »). Un itinéraire féminin touchant sous la forme d’un portrait changeant , sans cesse mouvant. « Identification d’une femme » qui n’est pas sans familiarité avec le film d’un certain Antonioni.
Et peut être même aussi identification de la part féminine de Molière au travers de ses personnages.
Car Anne Kessler fait entendre l’étrangeté de textes où la question féminine est toujours abordée par le regard de la femme, avec une justesse étonnamment moderne. Le jeu adopté par Anne Kessler (très épuré d’effet et très intimiste) donne à la partition de Poquelin, une actualité et une véracité troublante. Sans l’alexandrin, ce texte là semblerait sorti de la plume d’une femme de grand talent de notre époque. Volontairement, elle joue comme on jouerait les suites pour violoncelle de Bach. Sans effet, sans puissance particulière, plus du côté du ressac et de l’écho que de l’éclat et de l’adresse au public. Michel Bouquet disait : « Molière, ça se gueule, c’est du tréteaux ! ». Il avait raison. Louis Jouvet disait : « Molière ça se joue au public. Pas avec le public, mais pour lui ». Il avait raison. Anne Kessler déroge grandement (allant même jusqu’à se sonoriser dans une salle de petite taille). Elle a également raison. Car elle ne monte pas les pièces, ni même les scènes, du répertoire de Molière, mais plutôt les personnages dans leur intimité, leur singularité. Elle montre un Molière côté femme, que ceux qui répètent les idées reçues à défaut d’entendre tout simplement les œuvres croient misogyne.
D’après Molière
Conception, interprétation et animation graphique Anne Kessler, de la Comédie-Française
Lumières Éric Dumas
Production Comédie-Française
Spectacle créé au Studio-Théâtre (Paris) en 2022