de Jean-Marie Besset
Mise en scène de Régis de Martrin-Donos
« Qui a dit que la poésie était inutile ? » s’exclame sa maîtresse ou amie -qui est qui en ces temps troublés?- au moment où Jean Moulin lui confie, sous la forme d’un poème à mémoriser, la clé de déchiffrement des premiers messages de la Résistance.
Entre ces premiers vers et les « sanglots longs » de Verlaine, annonçant le débarquement tant désiré, Jean Moulin, préfet d’Eure et Loir, déjà engagé -et torturé- pour son refus de collaborer lors de la débâcle va structurer et unifier les mouvements de Résistance. « Jean Moulin, Evangile » déroule ainsi en quatre tableaux (1940 : Invasion ; 1941 : Résistance ; 1942 : Organisation ; 1943 : Passion) et 22 stations la vie privée et l’action clandestine du résistant martyr.
Une fiction qui fait œuvre utile comme leçon d’histoire tout en contournant l’ornière didactique et prosaïque. Le texte et la mise en scène nous épargnent ainsi les scènes de torture auxquelles le sujet invite. Il n’y en a qu’une, mais efficace justement, car judicieusement placée au début de cette histoire pour bien marquer la singularité de cette débâcle, moins militaire que civilisationnelle : l’invasion puis la colonisation de la République par les barbares nazis, justifiant l’engagement de tous, de la gauche jusqu’à la droite, des esprits même les moins préparés -par la tradition ou l’éducation- à l’action clandestine.
Le recherché esthétique aurait pu sembler déplacé, mais là encore la très belle scénographie de ce spectacle reste avant tout utile. Principalement constituée de vieilles armoires et de lampes -augmentées de quelques chaises- promptement déplacées sur le plateau (les armoires sont équipées de roulettes), elle fait apparaître et disparaître en clair-obscur le dédale des décors dans et parmi lesquels glissent, furtifs, les acteurs et figurants de l’armée des ombres. Ces armoires forment des coins et recoins de rue, des portes coulissantes, passages officiels ou dérobés, se transforment en lieux de vie ou bien en cachettes. Décor mouvant, par ses formes et son éclairage, image d’un temps où rien n’est sûr, traduisant les suspicions, les doutes et les craintes des héros clandestins.
Loin du réalisme, on touche à l’essentiel. Efficace, le télégramme scotché sur une armoire et qu’on saisit d’un geste, sans s’embarrasser du déplacement vers une table, de l’ouverture d’un tiroir, etc. Quelques éléments suffisent pour dessiner le tout, à l’exemple du personnage du Général de Gaulle, interprété par Stéphane Dausse qui ne lui ressemble pas, sauf par la taille et l’imitation des inflexions de voix, mais est terriblement crédible.
Efficacité et rapidité pour concentrer sans en avoir l’air tant d’information -l’Histoire, le contexte politique, la vie personnelle, etc.- en 2h15… qu’on s’étonne de n’avoir pas vu passer.
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Avec: Jean-Marie Besset, Laurent Charpentier, Stéphane Dausse, Arnaud Denis, Michael Evans, Loulou Hanssen, Chloé Lambert, Sophie Tellier, Gonzague Van Bervesselès.
Assistant mise en scène : Patrice Vrain Perrault
Scénographie: Alain Lagarde
Lumières: Pierre Peyronnet
Costumes: Davide Belugou
Sons Emile Tramier
Théâtre 14 du 5 septembre au 21 octobre 2017
Les mardis, vendredis, samedis à 20h30 (les samdis, également à 16h00) et les mercredis et jeudis à 19h00