Texte de Marivaux
Mise en scène Alain Françon
L’histoire :
L’héroïne est une jeune veuve ( Georgia Scalliet) qui ne s’est point encore consolée de la mort de son époux, le Marquis (le texte est tissé de références délicates au « Misanthrope » mais ce n’est le lieu d’une telle recension). Elle vit dans sa tristesse et se complaît dans cet état, obligeant sa suivante Lisette (Suzanne De Baecque), à la laisser seule avec son noir chagrin. Mais Lisette veut l’en sortir, que cela soit en s’unissant avec le Comte qui ne cesse de déposer à ses pieds la proposition de son amour, ou avec cet étrange jumeau de deuil, le Chevalier…
© Jean Louis Fernandez
Si Françon a souvent confié sa distance avec Molière, sa complicité avec Marivaux est durant une heure cinquante une évidence théâtrale. Cette complémentarité ne se joue pas dans la redondance formelle, mais avec finesse dans la distinction.
En effet Alain Françon met en forme l’esprit et l’intelligence, précis et aiguisés comme des stylets de Marivaux, en passant par l’impressionnisme.
D’ailleurs le metteur en scène a choisi de situer l’intrigue au crépuscule du 19e siècle. Cela se perçoit évidemment dans la grande et magnifique toile de fond, représentant une forêt automnale, quelque part du côté de Monet. Mais surtout, de manière plus subtile, dans les choix d’éclairage. Il n’illustre pas des moments de la journée mais plutôt des temps affectifs, émotionnels, propres à chaque personnage, et parfois même très fugaces. De très subtils changements de ton, ou d’intensité, nous font imperceptiblement ressentir une colère, une joie, un profond chagrin. La musique enfin est utilisée de la même manière, par touches légères.
© Jean Louis Fernandez
Pour l’interprétation elle est , comme souvent chez Françon, guidée par la musicalité, le respect de la partition littéraire. Il trouve d’ailleurs en Pierre-François Garel un instrument de prédilection. En instrumentiste émotionnel virtuose, il enchaîne les temps affectifs de son personnage. Il passe d’un aigu à un grave, d’un vivace à un moderato, avec une facilité apparente qui ravit le spectateur tant elle est au service du texte et du personnage. Également aussi beaucoup de fluidité et de ruptures soudaines chez Georgia Scalliet. Elle n’hésite pas à jouer de toutes les touches du clavier, de la grandeur d’âme aristocratique jusqu’au burlesque le plus bouffon et le plus drôle ! Il ne faut pas oublier Suzanne De Baecque dont le style de jeu, et l’utilisation de son morphotype dégingandé, la rapproche comiquement d’une Shelley Duvall désarticulée dans son corps mais à la rouerie bien accordée. Car c’est bien Lisette, sans avoir l’air d’y toucher, qui est le chef d’orchestre drolatique des destins et des passions !
À la fois partout, tout le temps, et nulle part jamais, Marivaux et Françon sont dans ce spectacle comme deux maîtres invisibles. Régissant tout, pour mieux laisser la liberté aux comédiens de faire de ce spectacle un amour de théâtre.
Texte de Marivaux
Mise en scène Alain Françon
avec :
Thomas Blanchard, Rodolphe Congé, Suzanne De Baecque, Pierre-François Garel, Alexandre Ruby, Georgia Scalliet
scénographie Jacques Gabel
lumière Joël Hourbeigt
costumes Marie La Rocca
musique Marie-Jeanne Séréro
chorégraphie Caroline Marcadé
coiffures/maquillages Judith Scotto
Du 5 novembre – 4 décembre – Odéon, Ateliers Berthier 17e
Durée 1h50
https://www.theatre-odeon.eu/fr/saison-2021-2022/spectacles-21-22/la_seconde_surprise_amour_2122