de Pedro Calderon
texte français Céline Zins
mise en scène Clément Poirée
Bonne nouvelle, après son succès en 2017, La Vie est un songe revient à la Tempête !
Neige au sol, ténèbre partout ailleurs. Le jour, la nuit. Le bien et le mal, le jour et la nuit. Contraste fort, mais contredit par tous les autres moyens scéniques utilisés par Clément Poirée. La pièce commence alors que les lumières salles sont encore allumées, le brouillard permanent estompe les contours et la limite scène/salle. Les comédiens traversent un pont jeté entre plateau et spectateurs, comme on passe un quatrième mur entre veille et sommeil, illusion et réalité. Il faut souligner aussi l’utilisation que le metteur en scène fait de la profondeur. Toute la profondeur du très grand plateau est utilisée, et il y ajoute celle des gradins. Cela produit un effet de longue vue qui se déploie à l’infini . Comme un espace des possibles sans cesse repoussé, effet saisissant.
Clément Poirée fait le choix de l’onirisme, et nous y invite, jusque dans tous ces jeux de masques, semblant sortis d’un cauchemar.
L’intrigue :
Sigismond est un fils de roi que son père tient enfermé dans une caverne vêtu de haillons et chargé de chaînes. Mais aussi instruit des plus grands écrits philosophiques. Enfant concept et enfant sauvage. Les astres ont prédit que cet enfant serait la ruine du trône. Pour contrer ces prédictions funestes, le roi s’est résolu à refouler ce noir destin. mais le remords le prend ; il ordonne de faire boire un narcotique à Sigismond, de l’habiller somptueusement et de le conduire au palais, où il sera traité en héritier royal à son réveil. S’il se montre magnanime et bon il sera couronné. S’il agit en barbare dénaturé il sera anesthésier à nouveau et rendu à sa geôle, comme si cette expérience n’avait été qu’un songe.
La vie est un songe est l’œuvre la plus connue de Calderon. Suiveur de Shakespeare il est avec lui et Marlowe, l’initiateur du romantisme dramatique qui se caractérise par l’union des éléments opposés, contre la séparation des genres, ainsi que par une amplitude spatio-temporelle permettant la dramatisation de l’histoire et le développement des passions. Cette veine s’oppose au resserrement de l’espace et du temps dans la tragédie classique française, qui méconnaît la puissance de l’imagination du spectateur. Cependant il faut reconnaître que Calderon n’est pas Shakespeare. Il use de monologues récurrents, là où l’anglais était un maître du dialogue. Il privilégie une sémantique poético/philosophique là où Shakespeare mêle le vulgaire avec le sublime, invente un langage même.
Clément Poirée se coltine avec ces difficultés inhérentes au texte. Il y oppose le corps, la sueur et les larmes, de ses comédiens en contrepoids. L’interprétation de Makita Samba en Sigismond est en cela exemplaire. Il se livre totalement, tremblant et tonnant, éructant et souffrant. Il donne une grande humanité au texte, une douleur impressionnante jusque à la dernière seconde.
Il faut voir Makita Samba qui, avec la mise en scène, glaçante et esthétisée, de Cément Poirée, est une excellente raison de venir voir ce spectacle au théâtre de la Tempête.
Il faut aussi distinguer Pierre Duprat jouant Astolphe. Sont jeu très sec et chirurgical et le pendant parfait de celui de Makita Samba .
« La vie est un songe dont la mort est le réveil », dit Calderon. Shakespeare à la fin du quatrième acte de la Tempête faisait exprimer à Prospéro des idées similaires. La Tempête encore…
photos Antonia Bozzi
Texte de Calderon
mise en scène Clément Poirée
avec :
John Arnold ou Bruno Blairet, Louise Coldefy, Thibaut Corrion, Pierre Duprat ou Julien Campani, Laurent Ménoret, Morgane Nairaud ou Louise Grinberg, Makita Samba et Henri de Vasselot ou Baptiste Chabauty
scénographie, Erwan Creff
lumières, Kevin Briard assisté de Nolwenn Delcamp-Risse
costumes et masques, Hanna Sjödin assistée de Camille Lamy
musiques et son, Stéphanie Gibert assistée de Michaël Bennoun
régie générale, Farid Laroussi
régie plateau, lumières et son Thibaut Tavernier, Nolwenn Delcamp-Risse, Julie Valette, Stéphanie Gibert, Ivan Paulik
Théâtre de la Tempête, La Cartoucherie, 75012 du 14 au 23 février.
https://www.la-tempete.fr/saison/2018-2019/spectacles/la-vie-est-un-songe-553
26 février 2019 Equinoxe Châteauroux (36)
05 au 06 mars 2019 Théâtre d’Angoulême Angoulême (16)
08 au 09 mars 2019 Théâtre Saint-Louis Pau (64)
12 mars 2019 Le Carré magique Lannion (22)
16 mars 2019 La Scène Watteau Nogent-sur-Marne (94)
05 avril 2019 Le Figuier blanc Argenteuil (95)