Texte Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux,
Mise en scène Benoît Lambert
« … et que la raison y périsse. »
Benoît Lambert nous convie bien à un combat, plus qu’à une comédie le plus souvent. Le spectateur est d’emblée confronté à un plateau scindé en deux espaces qui se font front. A cour la culture : cabinets de curiosités, tables d’expérimentations, de botaniques, de zoologie, chimie… la surcharge et l’encombrement. A jardin la nature : pentes herbeuses menant à un sous-bois, biche aux aguets, brumes naissantes. Espace ouvert, mais où la chasse est ouverte, car le cœur est un chasseur solitaire. La belle scénographie d’Antoine Franchet sert le propos du metteur en scène à merveille. Un propos assez sombre, mettant l’accent sur la dureté des rapports de classe, la méchanceté des sentiments, la volonté d’emprise contenue dans l’expérience amoureuse. Marivaux avait voulu faire jouer ses pièces par les acteurs italiens pour les animer de leur invention burlesque, leur corps comique et vif. Benoît Lambert opère un retour « au Français ». Arlequin est plutôt mélancolique (sorte de Joker à la larme à l’œil), là où on avait l’habitude de le voir enfantin et enivré par les atours de la puissance, le père lui-même figure de la bonté – « dans ce monde il faut être trop bon pour l’être assez » – est joué, avec finesse par Robert Angebaux, dans une tonalité parfois ricanante. Marivaux écrivait : «Chez mes confrères, l’amour est en querelle avec ce qui l’environne (« ); chez moi, il n’est en querelle qu’avec lui seul (« ).» La mise en scène explore aussi cette inquiétante « querelle », dans la seconde partie où l’amour de Silvia devient un monstre torturant Dorante (vibrant et stoïque Antoine Vincenot).
Ce parti pris radical est réellement intéressant, et la mise en scène fonctionne à merveille. Benoît Lambert donne de la pièce un éclairage très personnel et acéré qui mérite d’être vu, au regard des réalisations de jean Pierre Vincent aux Amandiers en 1998, ou de Galin Stoev à la Comédie Française en 2011.
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Crédit photo : Vincent Arbelet
De Marivaux
Mise en scène Benoît Lambert
Avec
Robert Angebaud > Monsieur Orgon, père de Silvia
Rosalie Comby > Lisette, femme de chambre de Silvia
Étienne Grebot > Mario, frère de Silvia
Edith Mailaender > Silvia, fille d’Orgon
Malo Martin > Arlequin, valet de Dorante
Antoine Vincenot > Dorante
scénographie & lumière Antoine Franchet,
son Jean-Marc Bezou,
costumes Violaine L.Chartier,
régie générale & lumières Julien Poupon
Théâtre de L’Aquarium, Cartoucherie de Vincennes 75012 Paris
du 26 septembre au 21 octobre 2018
du mardi au samedi à 20 h, le dimanche à 16 h / durée : 1h40
http://www.theatredelaquarium.net/Le-jeu-de-l-amour-et-du-hasard-de
et en tournée en France jusqu’en avril 2019