L’HOMME A l’ETUI

(Festival Russe – Théâtre Toursky International)

Une création du théâtre national Bryancev de Saint-Petersbourg

Mise en scène : Georgy Vasilyev

Est-il encore besoin de présenter Anton Tchekhov ? Venu à l’écriture d’abord par nécessité alimentaire (il devait payer ses études de médecine), il finira par devenir, grâce à son style simple et direct, l’un des plus grands nouvelliste et dramaturge russe.

« L’homme à l’étui » est justement une nouvelle adaptée pour la scène par le Théâtre National Bryancev de Saint-Pétersbourg. C’est l’histoire de Bélikov, professeur de grec, qui sort, été comme hiver, avec un gros pardessus et un parapluie. Un normopathe, obsessionnel de l’ordre, assujetti aux convenances et au respect hiérarchique, qui cherche sans cesse à se protéger du monde extérieur. Tout, chez lui, est dans un étui, son corps comme son esprit. Sa soumission à l’autorité et son adhésion à la norme atteint un stade ultime qui se répercute sur ses collègues et même sur la ville toute entière. La langue grecque et sa mythologie sont autant de paravents qui l’abritent de la vie réelle.  » Passer son temps au milieu d’oisifs, de chicaneurs, de femmes bêtes, futiles, dire et écouter toutes sortes de balivernes, n’est-ce pas vivre dans un étui ? « , se demandera d’ailleurs Anton Tchekhov.

Un protagoniste riche d’interprétations et qui franchit allègrement les frontières de l’absurde puisqu’il ira jusqu’à refuser une belle et jeune femme qui lui est promise en mariage car il trouve indécent qu’elle puisse faire du vélo. Tchekhov n’avait pas son pareil pour écrire des personnages qui peuvent entrer en résonnance avec le monde contemporain. N’avons-nous pas nous-mêmes une carapace face aux aléas d’une société de plus en plus complexe et violente ? Celle-ci n’est pas forcément représentée matériellement par un pardessus comme Bélikov mais plutôt par des écrans derrière lesquels nous nous préservons en permanence.

Pour son adaptation, le metteur en scène Georgy Vasilyev a choisi de travailler sur une scénographie originale en créant notamment un espace du passé et des souvenirs. Rappelons que dans la nouvelle originale, l’histoire du professeur Bélikov est narrée par deux chasseurs, le vétérinaire Ivane Ivânytch et le professeur de lycée Boûrkine lors d’une veillée la nuit. L’espace avant-scène est ainsi marqué par des planches suspendues, délimitant une frontière poreuse, que les comédiens bougent au gré de leur récit. La mise en scène s’autorise à jouer avec les clichés au sens propre, puisqu’il est régulièrement entendu le son du déclic d’un appareil photo qui fige les protagonistes sur scène, telle la photographie d’un moment d’existence. Agrémenté de quelques chansons (et sur-titré pour le plus grand plaisir d’écouter la langue russe originelle), le spectacle déroule ainsi la vie du professeur Bélikov, entre joies et peines, mais droit dans ses bottes jusqu’au bout.

C’est moi qu’on enterre ! » vitupérera Bélikov avec un sourire lors de sa première apparition. Bien entendu, on en vient à penser dans ce contexte que le cercueil est peut-être l’étui terminal, la dernière cuirasse qui protège définitivement du monde et de son intransigeance.  

 
 

Mise en scène : Georgy Vasilyev

Interprétation : Valery Dyachenko, Alexander Ivanov, Elizaveta Prilepskaia, Alexei Titkov

Chorégraphie : Sergueï Gritsaï

 Musique originale : Valery Piguzov

Théâtre Toursky 

16 Promenade Léo Ferré, 13003 Marseille

Vu dans le cadre du 24ème Festival Russe du samedi 9 mars au vendredi 22 mars 2019

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