Texte de Marius von Mayenburg.
Mise en scène de Louis Arène.
Munstrum Théatre.
Aimez-vous les moules ? En faites-vous parfois des orgies, à en perdre la raison ? M. en a fait l’expérience, un soir d’août, curieuse saison pour manger des moules lui fera-t-on remarquer. Cette incongruité le mènera à la frontière du réel, au cœur de la source de nos désirs les plus inavouables. Reprenant conscience au bord d’une route, il verra se succéder le long de cette artère nocturne les figures symboliques de sa possible résurrection. Face à une horloge qui indique toujours 05h05, acronyme à peine voilé de SOS, il lui faudra s’armer face à l’adversité. Le paradoxe, c’est qu’on lui fournira les armes, un couteau en l’occurrence, celui qui appartient à ses rencontres nocturnes. Retournant à chaque fois le couteau contre l’agresseur, M. en sortira à chaque fois vainqueur. Ses ennemis ont soif de sang, c’est pour cela qu’ils n’ont de cesse de tenter de pénétrer la chair de leur prochain, M. ou de leur fidèle compagnon le chien. Voleur, policier, avocat, chirurgien ou femme fatale, toutes les rencontres de M. l’acculent à l’inexorable. Petite variation sur le thème du loup-garou, coloré d’absurde (M. fait penser au K. de Kafka) de grotesque et de conte gore, le texte de Mayenburg trouve une expression époustouflante dans la mise en scène de Louis Arène. Revêtus des masques humanoïdes qui font la signature de sa compagnie, les comédiens qui jouent parfois plusieurs rôles (ils sont trois) palpitent paradoxalement d’humanité et parviennent à faire entendre les terreurs et les angoisses qui nous tenaient déjà éveillés enfants à l’écoute des contes de fée et qui continuent de nous habiter. On se régale odieusement face au policier loup qui se pourlèche les babines et devant la pulsion meurtrière généralisée sur la scène. Louis Arène traque les corps et orchestre des ballets saisissants, des danses de la mort et du désir, signifiant magistralement la fragilité de l’humanité que la plaie ouverte de M. symbolise. Spectacle qui ne néglige pas non plus la bande sonore, ni le hors champ qui se charge à chaque séquence d’une épaisseur nouvelle et étrangement inquiétante, cet opus fera date tant il épouse la virtuosité du texte et éclaire ses zones d’ombre sans se départir d’une inquiétante étrangeté salvatrice. Vous reprendrez bien quelques moules ? Foncez à la Manufacture pendant qu’il est encore temps, vous serez servis jusqu’au 26 juillet 2017.
La Manufacture, Festival off d’Avignon 2017
Du 6 au 26 juillet 2017 à 15h20 (relâches les 12 et 19 juillet)