(Bleu Blanc Rouge, l’a-démocratie-2ème volet)
Texte et mise en scène : Nicolas Lambert
De la bombe ce spectacle serait-on tenté de dire. Mais ce serait aussi réducteur que la pensée d’un ingénieur EDF de ne s’en tenir qu’à cet aphorisme. Notamment parce que l’énergie qu’y insuffle le comédien et auteur Nicolas Lambert affole les compteurs Geiger de la confiance que l’on a pu accorder jusqu’ici à l’Hydre EDF.
« Avenir radieux » est le deuxième volet (volet blanc) d’une trilogie appelée « L’a-démocratie/Bleu-blanc-rouge » qui traite des trois mamelles de la République Française, le pétrole, le nucléaire et les armes. Nicolas Lambert utilise la forme du théâtre documentaire, s’appuyant sur des sources fiables et du matériel authentique pour traiter d’évènements actuels et passés. Comme il est impossible de parler de bore ou d’uranium sérieusement sous peine de faire fuir le spectateur aussi rapidement que les radiations de la cuve de Tchernobyl, c’est l’humour qui sera la bobine de transmission d’une masse d’informations issue d’un impressionnant travail de documentation. Nicolas Lambert s’est plongé pendant six mois dans la presse, les livres, les émissions TV et les conférences autour de l’épineux sujet du nucléaire.
En ressort une intrigue digne des meilleurs thrillers complotistes, et pourtant, tout, absolument tout, est vrai jusque dans les moindres détails et retranscrit tel quel. C’est d’abord le raconteur qui introduit le spectateur dans l’univers nucléaire en évoquant les coûts colossaux des publicités EDF qui marquent le paysage hexagonal par leur omniprésence. On parle de 100 millions par an !
Le dispositif scénographique est judicieusement choisi pour que le spectateur/citoyen ne se sente jamais perdu. Régulièrement, comme dans tout bon documentaire, des images d’archives sont projetées sur un écran translucide derrière lequel une musique, brillamment exécutée par Hélène Billard sur un violoncelle (électrique !), fusionne l’angoisse et l’ironie avec brio, distillant une radieuse atmosphère dans laquelle se glisse gaillardement le comédien qui enfile avec maestria le costume de 23 personnages.
Certains, vous les connaissez, ce sont les hommes de la lumière (les divers présidents de la République, par exemple) qui contaminent les cerveaux avec des discours frelatés (et authentiques à la virgule près !). Et pour que la lumière soit, il faut qu’il y ait aussi les hommes de l’ombre comme le lugubre Pierre Guillaumat, président d’EDF, d’ELF, et grand pourfendeur de l’opinion publique (« Aux enfers, il y a l’opinion publique, ailleurs je ne l’ai jamais vue »). Apparaissant en demi-teinte sur un pan de scène baigné de pénombre, fumant sa pipe tout en se confiant à un journaliste allemand venu l’interviewer, il est le personnage pivot, celui par lequel toutes les décisions convergeront.
Et le monde opaque du complexe militaro-industriel se fissure, laissant s’échapper les informations secret-défense de sa cuve de confinement. Ainsi la stratégie de passer outre le parlement, afin d’opérer tranquillement la bifurcation du nucléaire militaire au civil, dans une ambiance a-démocratique totalement décomplexée.
L’auteur de ces lignes ne peut que vous inciter à vous ruer sur les salles qui programment ce deuxième volet si vous voulez connaître les véritables raisons des attentats des années 80 en France ou comment fut organisée la dissémination de la bombe en Europe par les Etats-Unis. Cela vaut son pesant de combustible ou plutôt d’argent car, malgré la part de l’énergie nucléaire dans le monde qui atteint péniblement les 12 %, les investissements continuent plus que jamais avec notamment les réacteurs EPR dont les retards de construction dans divers pays entraînent des coûts colossaux (à la charge du contribuable).
Surfant avec allégresse du perchoir (l’Assemblée nationale) au débat public, Nicolas Lambert, caustique, se déchaîne pour informer le spectateur/citoyen, et le faire participer (enfin) au débat. Il irradie d’intelligence les consciences avec ce spectacle salutaire, indispensable et drôle qui nous éclaire sur les sombres manœuvres de la République pour parvenir à ses fins.
Nous revient alors en mémoire un célèbre slogan qui nous incite à signifier à EDF, qu’ils nous doivent vraiment plus que la lumière.
© Photographies : Erwan Temple
Documentation, reportages, écriture, scénographie et mise-en-scène : Nicolas Lambert
Collaboration artistique : Erwan Temple
Direction d’acteur : Nathalie Brücher
Lumières : Erwan Temple
Musique : Eric Chalan
Musiciens : Hélène Billard ou Éric Chalan
Instruments de musique: Yves Descloux
Vidéos : Erwan Temple
Texte édité aux éditions de l’échappée
Coproduction : Compagnie Un Pas de Côté, le Grand Parquet, Théâtre de Rungis, La Grange Dîmière, Théâtre de Fresnes, Communauté d’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines/Le Prisme.
https://www.youtube.com/watch?v=oz1mr0Qrzwg
https://www.youtube.com/watch?v=QuqqWrXWdyk
Les 8, 12, 15, 19, 22, 26 juillet
Gilgamesh Belleville, 11 bd Raspail, 84 800 Avignon