BARTABAS
Noces de Crins
Avec le Cadre noir de Saumur & l’Académie Équestre de Versailles
Création 2024
C’est un mariage singulier en effet auquel nous sommes conviés à la Villette. Le Cadre noir de Saumur, dont les origines remontent à plusieurs centaines d’années, et l’Académie Équestre de Versailles, qui pour avoir réinvesti l’espace des Grandes écuries du château de Versailles n’est pas moins une jeunette de vingt et un ans.
Cette union scelle surtout un pacte entre l’animal et l’homme. Elle donne à voir et à ressentir à un public ravi, et dans lequel les enfants sont nombreux, un superbe effet de la relation harmonieuse entre la nature et l’humanité.
D’une part la tradition française de haute école, de renommée mondiale, de l’autre le parcours d’un homme, Bartabas, condensé dans ce projet d’Académie. Si l’on voulait être caricatural, on opposerait rigidité d’une discipline esthétique (autrefois militaire) et approche poétique de l’art équestre. On aurait tort, car depuis toujours l’art de Bartabas se montre aussi inspiré que respectueux de l’héritage. Et depuis longtemps le Cadre a intégré une dimension non seulement esthétique mais chorégraphique.

Alors sous son chapiteau d’Aubervilliers, au siècle dernier si proche, Bartabas était parvenu à enseigner le galop arrière à son destrier Quichotte. Les cavaliers de Saumur intrigués lui avait proposé de venir faire une démonstration sur leur terre. Le centaure leur avez répondu qu’ils n’avaient qu’à se déplacer, ce galop arrière n’étant pas une performance de démonstration athlétique, mais un élément artistique indissociable d’un spectacle dans sa cohérence ! Nos amis militaires, pas rancuniers, avaient fait le voyage, allant à Bartabas, plutôt que l’inverse !
Il a fallu attendre 2024, et sur terrain neutre, pour que vingt-cinq cavalières ou cavaliers et une quarantaine de chevaux des deux univers s’unissent sur la belle carrière éphémère de la Villette !
On y retrouve bien la spécificité du Cadre : « Un cheval calme, en avant, et droit ». Chevaux magnifiques de puissance, totalement rassemblés, d’une impulsion permanente, continue et douce. En main du mors jusqu’à la croupe. Légers, si légers qu’ils semblent ne jamais totalement subir la pesanteur. Les cavaliers vont de pairs. Les aides sont minimales, presque intuitives parfois. A peine si l’on perçoit l’action d’une jambe isolée. On savoure bien entendu les spécialités « maison » : Courbette (cheval dressé sur ses postérieurs), croupade (ruade en totale extension), passage ((trot raccourci, écourté, à cadence élevée dans une gracieuse élasticité de mouvement). Tout est exécuté sans forçage, sans insistance.

Les écuyères de l’Académie sont dans un registre plus libre peut être, avec en effet une part laissée à l’interprétation (des cavalières comme des chevaux!). La rigueur est peut être moins poussée à l’extrême, mais pour laisser une part plus importante à une respiration, un souffle poétique et naturel. Ainsi le moment le plus poignant du spectacle : cinq chevaux laissés libres dans la lumière du manège. Ils s’ébattent, dansent, cabriolent, interagissent, se parlent, fond la ronde : libre improvisation où une partition invisible mais partagée s’impose à nous.
Nous sommes alors comme dans les voyages de Gulliver : face à la magnificence et la sagesse des Houyhnhnms, de pauvres Yahoos.
BARTABAS
Avec le Cadre noir de Saumur & l’Académie Équestre de Versailles.
Suite de tableaux chorégraphiés sur des musiques d’Arandel, recrées à partir de l’œuvre de Bach.
A la Villette jusqu’au 23 juin 2024.
https://www.lavillette.com/manifestations/bartabas-noces-de-crins/