SACCO ET VANZETTI

d’Alain Guyard

Mise en scène : François Bourcier

Dans les derniers moments de leur emprisonnement, Sacco et Vanzetti, se remémorent et nous font revivre cette affaire Dreyfus à l’américaine, un scandale judiciaire au retentissement mondial : L’acharnement stupide d’un juge engoncé dans ces certitudes bourgeoises et racistes, l’enquête à charge d’une Police aux ordres du patronat, déléguant même le travail à la tristement célèbre agence Pinkerton (dont les « détectives », briseurs de grèves et assassins de syndicalistes furent impliqués dans les provocations menant au massacre des manifestants de mai 1886 à Chicago, événement fondateur des commémorations du 1er mai). L’évidence de cette injustice, la mobilisation internationale en faveur des deux martyrs de la cause ouvrière, dresse cependant une magnifique tribune à leurs convictions anarchistes.

Une mort fière et utile, dont le glas inéluctable résonne dans les grésillements électriques et les sautes de tension affectant régulièrement les fébriles ampoules de leur cellule quand la chaise électrique, pompant toute l’énergie du bâtiment, est actionnée à l’autre bout de la prison. Les deux polarités de caractère (Sacco, d’abord mari et père, face à Vanzetti, l’intellectuel, le politique) mettent en mouvement toute l’histoire, les deux comédiens, convoquant, par une posture particulière, une inflexion de voix, une foule de personnages… Même si cette répartition des rôles (certainement très tôt à l’oeuvre pour la fabrication du mythe dans la presse de l’époque) ne serait en réalité pas si marquée, l’auteur prenant soin d’évoquer, plus tard, les actions militantes de Sacco en compagnie de sa femme.

La pièce dévoile aussi la face sombre des « roaring twenties » américaines, ces années folles du capitalisme triomphant qui se fracasseront bientôt sur le jeudi noir de 1929. La scénographie (vidéos d’époques, images mouvantes) nous plonge dans le bain moussant et insouciant de cette décennie des années 20 dont la supposée prospérité n’est en fait pas pour tous ; en tous cas, pas pour les ouvriers, c’est un leurre.

Illusion également, cette démocratie à protéger des bombes anarchistes par d’inévitables mesures d’exception. Le « Then, what are we fighting for ? » attribué à Churchill quand le parlement britannique voulait réorienter le budget de la culture vers l’effort de guerre (mais peut-être était il question de ses approvisionnement en cigares ?) ne se pose pas pour les tenants de l’ordre, à l’époque. Les dirigeants ne sont pas cependant les seuls à se détourner des questions gênantes: la description clinique du mode opératoire d’exécution par la chaise électrique nous en montre crûment l’horreur mais aussi la chaîne des responsabilités. Si chacun des employés du système pénitentiaire peut prétendre avoir simplement « obéi aux ordres », la complexité de ces opérations semble cependant indiquer qu’il reste possible, chacun à son niveau, d’en gripper les rouages

Des questions haute-tension sur la ligne qui grésille entre hier et aujourd’hui.

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Crédit photo: Emilie Génaédig

Interprètes: François Bourcier, Jean-Marc Catella
Assistante à la mise en scène: Nathalie Moreau
Musique originale et régie: Roland Catella
Son et image: Philippe Latron
Création lumière: Romain Grenier

Avignon Off , Théâtre Notre Dame (13-17 rue du collège d’Annecy)
Du 5 au 29 juillet à 12h40 (relâche les 9,16,23 juillet)
Durée :  1h20

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