Une création du Théâtre Toursky
Mise en scène Richard Martin
Sois un homme mon fils !
C’est l’injonction proférée par la mère à son onzième enfant, Bouchta, jeune homme né de parents immigrés algériens, ayant vécu dans les quartiers nord de Marseille.
Bouchta, ça vient de « Abou », père en arabe et de « chta », la pluie, donc le père de la pluie. Un prénom prédestiné comme si sa vie entière devait se dérouler sous de maussades auspices. Mais c’est aussi le prénom de son grand-père, ce patriarche décrit comme très intelligent, un socle sur lequel la famille pouvait s’appuyer. D’entrée, Bouchta endure la pression familiale avant de subir la sociale.
« J’ai besoin d’un homme pour la famille ! » lui clame sa mère, mais Bouchta est différent, il le sait et il le revendique assez rapidement d’ailleurs. Les traditions et les coutumes religieuses de la communauté maghrébine transposées dans un environnement peu accueillant ne vont pas l’aider à se construire. Pourtant, à partir de ce socle branlant et malmené, il va bien falloir que Bouchta fasse quelque chose, qu’il cesse de manger son gâteau de misère pour enfin dévorer son gâteau de fête, comme il le proclame. Après avoir côtoyé un temps le cinéma et travaillé à la radio, ce sera l’écriture d’un livre, récit-témoignage bourré d’humour et d’émotion.
Photo Candice Nguyen
L’humour est la clé. Bouchta le sait. Voici donc le passage à la scène avec l’aide de Richard Martin, fondateur, il y a 50 ans, du théâtre Toursky à Marseille. C’est donc la création d’un spectacle qui va permettre à Bouchta d’être lui-même sur scène sans tabou, sans complexe, et avec un immense sens de la comédie capable de transcender les sujets les plus difficiles.
Le garçon qui ne demande qu’à découvrir la vie, à se structurer par rapport à elle, doit se confronter à cette société qui l’empêche de s’épanouir, en tentant de contrôler son destin. D’abord, celles des classes CPPN (qui accueillaient les élèves en échec scolaire) qui contrôlent son parcours éducatif et par corollaire professionnel, de ceux qui sont les briques de votre existence.
Et ce n’est pas, comme il le dit, la prof magnifique du CPPN, qui touchait mieux que son père qui creusait tout Marseille, qui va pouvoir l’aider. Tout semble programmé d’avance et Bouchta sent qu’on le pousse vers le CAP mécanique, école de la délinquance, qui ne l’intéresse pas, lui qui préfèrerait travailler dans la mode à Marseille avec cette Mme de Fontenay version couleurs.
Photo Candice Nguyen
Un destin hors normes, un être malmené que l’on va conduire jusqu’au mariage forcé en Algérie. Bouchta le raconte sans pathos avec un humour féroce et ravageur : « nous avons divorcé au premier regard !». Ce passage de sa vie, qui pourrait être insoutenable si on l’abordait sous l’angle du réalisme pur voit son impact renforcé grâce au rire.
Sur fond de Callas avec mio babbino caro, extrait de Gianni Schicchi de Puccini, et la foule de Piaf, le spectacle mis en scène avec simplicité par Richard Martin recentre sur le personnage et nous révèle un futur grand comédien. La scénographie se limite à une malle, symbole du voyage mais aussi d’une certaine prison (il la traîne partout).
Par son vécu chaotique, Bouchta, qui estime avoir toujours été assis au bord de la société, nous rappelle que les enfants sont le don le plus précieux que l’on puisse offrir à l’humanité, qu’il faut les préserver et les porter aussi longtemps que possible vers leurs rêves.
On rappellera l’adage favori des mères : « Les hommes c’est nous qui les mettons au monde, c’est nous qui en faisons des hommes ».
Allez découvrir Bouchta qui saura vous bouleverser, vous faire rire, vous questionner sur sa vie, et vous enrichir sur la vôtre.
Mise en scène :
Richard Martin
Création et interprétation :
Bouchta Saïdoun
Scénographie et création lumière :
Richard Martin
Régisseur :
Matthieu Raffner
Production :
Théâtre Toursky
16 Prom. Léo Ferré, 13003 Marseille
Vu au théâtre du chien qui fume dans le cadre du Festival OFF d’Avignon du 5 au 28 juillet 2019