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© Philippe Laurent
Texte: Milo Rau et l’équipe
Mise en scène: Milo Rau
La Lettre de Milo Rau s’inscrit dans l’orbite du théâtre populaire et pose de fait la question de la pertinence de ce concept. Le théâtre dit populaire suppose-t-il de rendre possible la pratique théâtrale à ceux qui en sont exclus, quitte à niveler les exigences du sixième art ou au contraire à hisser le peuple au niveau de cet art majeur, qu’est le théâtre ? Commande du Festival d’Avignon, la pièce du Suisse Milo Rau a été créée dans le cadre du projet Pièce Commune/ Volksstûck qui consiste pour les acteurs à s’emparer d’une forme courte et plutôt légère pour se produire successivement dans des banlieues, des zones périphériques ou des villages. Les acteurs de la performance signée La Lettre sont ici Olga Mouak et Aren De Tremerie. Les deux acteurs se sont rencontrés précisément lors d’une audition pour La Mouette, où ils n’ont pas été retenus. Un fil intime, autobiographique et forcément sincère constitue l’armature de cette performance. Arne avait une grand-mère présentatrice vedette à la radio flamande et qui toute sa vie rêva d’incarner La Mouette. Quant à Olga, au prénom tchekhovien, elle est originaire d’Orléans, à des racines camerounaises et réunionnaises et rêve elle de pouvoir incarner un jour la figure de Jeanne d’Arc, malheureusement confisquée par la droite française. Le théâtre apparaît comme une affaire de famille, le point d’orgue d’une vie. Chacun dialogue avec ses ancètres en même temps que le public qui le souhaite est invité à dire certaines répliques de Tchekhov (écrites sur des cartons), en particulier celles de Constantin, l’apprenti dramaturge éconduit au destin tragique. Ce fil narratif est teinté d’émotions parce qu’il tisse le lien entre les générations, entre la fiction et la vie, les destins croisés d’Arne et de sa grand-mère, Olga et sa grand-mère morte brûlée vive dans un accès de schizophrénie. Et l’on entend Les Échos entre l’héroïne de La Mouette, comme ceux entre Constantin, dramaturge précurseur d’un théâtre nouveau et Milo Rau. Malheureusement, la trop grande légèreté du propos, comme en témoignent le traitement burlesque des personnages de La Mouette ou la pancarte brechtienne scandant « Critique du théâtre bourgeois », rend le tout un peu déroutant. Par ailleurs, si Olga Mouak manifeste un juste talent, Arne De Tremerie en fait visiblement trop. On reste donc un peu perplexe à la vision d’un spectacle qui n’a de populaire que sa légèreté et dont on ne perçoit pas bien les enjeux. Car qu’on ne dise pas que le public de surcroît lettré d’Avignon ou un autre se mue en acteur dramatique à dire quelques répliques ou à faire défiler des pancartes commentant les scènes. Malgré la dévotion que l’on peut avoir pour Milo Rau et ses intuitions théâtrales prodigieuses, les carences du texte et de la dramaturgie disent limites d’un certain théâtre populaire.
Texte Milo Rau: et l’équipe
Mise en scène: Milo Rau
Avec Arne De Tremerie, Olga Mouak, et les voix de Anne Alvaro, Isabelle Huppert, Jocelyne Monier, Marijke Pinoy
Dramaturgie: Giacomo Bisordi
Assistanat à la mise en scène Giacomo Bisordi, Edward Fortes
Scénographie, son, lumière, costumes et accessoires: Milo Rau et Giacomo Bisordi
Assistanat costumes et accessoires: Julie Louvain
Régie générale de l’itinérance: Emmanuel Rieussec
Régie générale de la production: déléguée Laurent Berger
Régie son: Sébastien Dorne
Festival d’Avignon, en itinérance
du 8 au 26 juillet 2025, à 12h30, 20h ou 21h
Festival d’Aurillac
du 20 au 23 août
Théâtre du Point du Jour, Lyon
du 1er au 3 octobre
Théâtre Les Halles, Sierre (Suisse)
les 21 et 22 novembre
Scène 55, Scène conventionnée d’intérêt national Art & Création, Mougins
le 23 janvier 2026
Théâtre Silvia Monfort, Paris
du 28 au 31 janvier
Théâtre de la Manufacture, Centre dramatique national Nancy-Lorraine
du 20 au 22 mars
Théâtre Public de Montreuil, Centre dramatique national
du 20 au 30 mai