Inspiré de la nouvelle de George Langelaan
Adaptation et mise en scène Valérie Lesort et Christian Hecq
La Mouche revient ! Impossible de s’en débarrasser. Elle tourne, elle tourne, et revient inlassablement se poser sur le plateau du Théâtre des Bouffes-du-Nord. Je veux parler bien entendu du spectacle et pas seulement de ce maudit coléoptère ! De ce magnifique Spectacle qui « ravit » le public, et des « Molières » depuis 2020. Ce n’est donc pas la mouche tse-tse, la mouche du sommeil, mais « La Mouche » vibrionnante de Valérie Lesort et Christian Hecq, à la fois drôle (très) et parfois inquiétante aussi, surprenante toujours.
Christian Hecq et Valérie Lesort ont en effet inventé un joli monstre hybride. Hybride de deux univers : le chef-d’œuvre de David Cronenberg (navigant entre série B et film d’auteur) et l’univers de la série documentaire belge strip-tease (poétique du quotidien à la sauce Deschiens).
Ce mariage de déraison fonctionne à merveille, tant dans le jeu, que dans la mise en scène et les trouvailles visuelles qui concourent à produire un univers crédiblement foutraque.

Robert, adolescent attardé de plus de 40 ans a remplacé sa vie sociale et amoureuse par ses expérimentations scientifiques. Avec trois câbles électriques et une alimentation énergétique, parfois défaillante, il supplante dans son garage les avancées scientifiques des plus grands Nobel de son temps. Il a en effet inventé une machine à téléporter ! Cela sous le regard goguenard et incrédule de sa mère Odette. Cette dernière étant beaucoup plus intéressée par la téléportation des ragots… que par le génie de son fils. Tout cela s’emballe à l’arrivée de Marie-Pierre, bonne fille mais pas fine mouche, qui fera les frais du premier voyage atomique dans l’espace…
L’inventivité visuelle des metteurs en scène est incontestable (sans révéler ici les surprises qu’il faut garder au public), et elle n’empiète jamais sur l’intérêt de la trame, ou le jeu des comédiens.
L’hybridation entre nouvelle magie, deus ex mouchina, et théâtre classique fonctionne à merveille !
Hecq et Lesort remettent même au goût du jour une sorte de petit théâtre horrifique et (un peu) sanguinolant, qui est un bel hommage au « théâtre Grand-Guignol » si prisé au XIXe siècle.

Christian Hecq a souvent parlé des insectes comme une source d’inspiration dans son approche corporelle des rôles. Recherche d’une étrangeté inhumaine injectée dans un personnage pour y produire un effet d’humanité théâtrale. Sa « Mouche » ne se téléporte pas seulement dans l’espace mais aussi dans le temps. On se souvient qu’il interpréta « La métamorphose » de Kafka en 1989. Il y a bien entendu un style de jeu Hecq, qui doit beaucoup à la commedia dell’arte et au clown. Cependant ce jeu semble toujours réinventé en quelque manière et adapté au personnage. Avec une précision inouïe, la démarche, la dégaine, le physionomime, de Robert, diffèrent de la galerie des personnages déjà interprétés par l’acteur, tout en étant de la même famille.
Christine Murillo n’est pas en reste et justifie pleinement d’avoir été primée d’un « Molière ». Son Odette est pleine de gouaille, d’énergie et de drôlerie.
Le reste de la distribution est assortie qualitativement, même si l’interprète de Charly est un peu « cabot »…
Avec :
Robert : Christian Hecq,
Marie-Pierre : Valérie Lesort
Odette : Christine Murillo
Inspecteur Langelaan : Jan Hammenecker
et Charly
Scénographie Audrey Vuong
Lumières Pascal Laajili
Création sonore et musique Dominique Bataille
Guitare Bruno Polius-Victoire
Costumes Moïra Douguet
Plasticiennes Carole Allemand et Valérie Lesort
Assistant à la mise en scène Florimond Plantier
Création vidéo Antoine Roegiers
Technicien vidéo Eric Perroys
Accessoiristes Manon Choserot et Capucine Grou-Radenez
https://www.bouffesdunord.com/fr/la-saison/la-mouche
