C’est dans le clair obscur d’un intérieur sobrement meublé (une table et deux guéridons fatigués posés sur un vieux parquet) que débute cette confession d’outre-tombe.
Une lettre qui dévoile à l’écrivain insouciant et quelque peu incrédule, qu’interprète Olivier Bonnin dans une monstrueuse nonchalence, son inaptitude, à lui et son monde, à percevoir l’amour d’une femme, un amour au-delà de tout espoir. Une longue lettre, écrite au seuil de la mort, par une mystérieuse adoratrice depuis toujours ignorée, l’histoire d’une adolescente fascinée par le jeune étudiant mondain et frivole de la haute société viennoise, nouvellement installé dans son immeuble dont elle, la jeune fille de condition modeste, tombe pour toujours amoureuse. Sans jamais oser se déclarer, cette amante fantôme, suivra alors dans l’ombre l’itinéraire privé et littéraire de ce papillon d’homme, comblé par la vie et le beau sexe.
L’adaptation de ce récit d’une vie entière dévorée par la passion, resserrée autour de deux personnages par la metteuse en scène, Véronique Boutonnet réussit adroitement à distribuer la parole entre une narratrice, dont Karine Lanqui habite magnifiquement la fièvre, et l’objet distant de sa folle passion. La musique accompagne les deux personnages tout au long du drame, les invitant parfois à une étreinte furtive le temps d’une danse. Le violon de la délicate « bande-son » (on est presque au cinéma, au point même d’imaginer volontiers cette musique tirée du film de Max Ophüls) venant régulièrement, à propos et pudique, recouvrir les pointes les plus douloureuses du texte de Stefan Zweig tout en ravivant le souvenir joyeux des années folles de la Vienne nocturne… et des rogatons du « monde d’hier ».
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Lettre d’une inconnue par la compagnie Bouffon Théatre
Auteur : Stefan Zweig
Adaptation & Mise en scène : Véronique Boutonnet
Avec : Olivier Bonnin & Karine Lanqui
Lieu : Bouffon Théâtre, 26-28 rue de Meaux Paris 19
Dates: 05/05/16 – 01/07/16