MAURICE & La MISS

De Marie-Thérèse Roy
Mise en scène : Patrick Alluin

L’union des stars attire le regard des foules. Gainsbourg et Birkin (pour la funeste actualité), Gall et Berger, Edith et Marcel, Montand et Signoret en leur temps… Et plus loin encore scintillent encore les lumières de  Maurice Chevalier et Mistinguett,  duo d’étoiles moins connu, car plus éloigné dans le temps mais aussi d’une histoire plus brève.  Collision stellaire ! … En cette fin de belle époque, les personnalités sont, bien sûr, exposées aux regards de tous et scrutées sans répit ; nul besoin de paparazzis ou de fans équipés de téléphone portable pour lancer les ragots, déstabiliser une relation naissante ou détruire une réputation établie. Pour vivre heureux, vivons cachés  ; surtout quand l’un des deux (Mistinguett) se trouvant déjà engagé souhaite ménager l’honneur et la susceptibilité de l’amant à quitter. Puis viendront, pour Maurice Chevalier dans son ascension vers la gloire, la tentation des amours passagers et faciles. La rivalité artistique de deux forts caractères enfin : une Mistiguett au firmanent quand elle rencontre Maurice, le débutant prometteur, crainda ensuite  l’éclipse… sur scène et sous les draps. Le tout au coeur d’une période historique dramatique, celle de la grande guerre : Maurice connaîtra la captivité dans un Stalag allemand dont Mistinguett, qui a le bras long du fait, entre autres, de ses si célèbres jambes, réussira à le tirer, entre deux numéros (privés et même secrets) de Mata Hari auprès des têtes couronnées croisées autrefois au Moulin rouge ou aux Folies Bergères. Nombreuses embûches, donc, pour une seule histoire, une histoire d’amour dans la grande histoire, recouverte du strass des revues et des folies du music-hall.

Un pianiste, en même temps narrateur, nous guide tout au long de la romance, allègre, chantant et venant aussi danser parfois afin de faire le nombre dans cette gageure. Seulement 4 comédiens (+ ledit pianiste, donc 5) et le grandiose des revues parisiennes se déploie avec une inventivité déconcertante. En jouant avec les différents niveaux dans le décor et les découpes d’espace créées par la lumière (de Moïse Hill), l’effet d’énergie et de masse est donné.

La  narration entre les différents tableaux participe au rhytme alerte d’un spectacle tenu par des comédiens aux talents multiples (chanson, mais aussi danse et acrobatie) : ça va vite  et ça chant bien ! On est emporté dans le tourbillon de cette époque des folies parisiennes, d’un monde énivrant … et plus (Fréhel, évoquée dans sa relation avec Maurice Chevalier, a en effet chanté avec « La Coco », les écueils du métier). L’amour et le talent s’entremêlent en une danse fiévreuse, laissant une étincelle de rêve dans le cœur du public conquis.

Festival Off d’Avignon
Du 7 au 29 juillet au théâtre des GÉMEAUX (10 rue du Vieux Sextier 84000 – AVIGNON)
Durée : 1h15
Relâches : les mercredis 19 et 26/07

 

Mise en scène : Patrick Alluin
Avec : Simon Heulle, Hélène Morguen, Didier Bailly, Sophie Girardon, Gaétan Borg
Chorégraphie : Mariejo Buffon
Musique originale et arrangements : Didier Bailly
Costumes : Corinne Rossi
Scénographie : Antoine Milian
Création lumière : Moïse Hill
Conception son : Clément Vallon
Régie : Deyan Bussière et Antoine Campredon

UNE SOIREE CHEZ OFFENBACH !

Ecrit et mis en scène par Martin Loizillon, sur des airs d’Offenbach

Victime d’une déception amoureuse,  le pauvre Offenbach se désole surtout d’avoir perdu sa muse et son inspiration au moment même où on lui a commandé un air, à composer de toute urgence. Le coup de fil providentiel  et quelque peu anachronique (à quelques années près, même si le combiné téléphonique utilisé est de la plus haute antiquité) d’un ami le sauve cependant :  cette nuit même, doit débarquer chez lui, un être capable de relever l’inspiration défaillante: une princesse ! Altesse d’on ne sait où, cela ne sera jamais précisé, mais bel et bien une princesse.
Et effectivement, on sonne à la porte. La princesse entre… ivre et vacillante (malicieuse Christine Tocci, ce soir-là, dans une interprétation drolissime de l’air du même nom) avec le coeur balançant tantôt vers l’illustre compositeur, tantôt vers son joli domestique.

L’argument est faible mais peu importe… Ou peut-être même au contraire importe-t-il d’être frivole ! Cela donne à Martin Loizillon, l’auteur du texte enfilant les perles musicales d’Offenbach, l’occasion de quelques heureuses cabrioles pour retomber sur les pattes du fil de cette histoire… à la Feydeau. La vraisemblance est donc constamment sauvegardée, tout juste tirée par les cheveux parfois, et l’on sourit à la performance (un peu comme dans les joutes d’improvisation).

L’important, c’est le plaisir procuré au public par les chanteurs (Christine Tocci cité plus haut, Nicolas Rigas et Pierre-Antoine Chaumien ce soir-là) qui nous régalent dans une revue de dix-sept des plus beaux airs d’Offenbach. C’est frivole, c’est heureux, jusqu’aux effets les plus simples (la sonnerie de la porte au piano, des lunettes de soleil enfilées à la Brachetti, quand le comédien enfile son manteau en tournant sur lui-même), effets qui n’ont l’air de rien, mais qui portent à sourire dans une ambiance joyeuse et bon enfant.

Un spectacle populaire de haute tenue (et qui plaira aux enfant).
La salle est comble, pensez à réserver.

Théâtre des Corps Saints – 76, place des Corps Saints, 84 000 Avignon
Du 7 au 29 juillet 2023 à 12h10

 

 

SMILE

L'affiche du spectacle SMILE

De Nicolas Nebot et Dan Menasche

Variation cinématographique autour d’un moment clé de la vie de Charlie Chaplin : un rendez-vous, un soir, avec le grand amour ou du moins le grand amour de sa jeunesse. Vérité ou fiction, le point de départ de cette histoire figure certainement dans la biographie du grand réalisateur et l’on peut imaginer que le reste est romance. Peu importe.  La réalité que ce spectacle cherche à capturer, c’est l’art du cinéma en noir et blanc dont Chaplin (qui continua ces films muets bien après l’avènement du parlant) reste la figure emblématique. L’idée visuelle est géniale : l’escamotage des couleurs pour restituer l’esthétique du cinéma des débuts, pour mieux saisir l’essence d’une époque révolue, ce temps jadis, où le génie de Chaplin conquit les cœurs du monde entier, quand l’image animée en fit la figure la plus connue au monde.

Les comédiens, dont la peau est maquillée de blanc, évoluent dans des costumes et un décor contrastés de noirs, de diverses teintes de gris et de jeux d’ombres (comptoir, piano et la porte d’entrée de ce bar du Londres des années 1910). C’est le retour nostalgique de Chaplin sur les lieux de ses amours, une dizaine d’année plus tard, qui rapportera la couleur.

Comme on est au cinéma, on tourne plusieurs fois la même scène, bien sûr ! Chaplin était d’ailleurs connu pour son perfectionnisme maniaque et ses multiples prises. Le rembobinage de la pellicule envoie les comédiens en des mouvements rétrogrades, parfois à vitesse accélérée, sous les lumières d’un tromboscope blanc. Comme une danse surréaliste tirée de notre perception déformée du cinéma muet (les projections en 24 images par secondes au cinéma, ou 25 à la télévision, de ces films du temps des pionnées, tournés en 16 images/secondes, offrirent en effet aux générations suivantes un rendu plus saccadé qu’il ne l’était en réalité). Les scènes amoureuses sont donc répétées par les comédiens, qui ajoutent à l’étrangeté et au décalage, un jeu et une diction légèrement affectés servant d’autant mieux le propos mélodramatique.

Bref, on s’amuse avec les procédés du septième art de ces premiers temps et de cette mise en scène restituant le charme suranné de cette époque, désuet comme les sentiments du personnage du jeune Chaplin amoureux, teintés de timidité et de maladresse, rappelant les émouvantes scènes sentimentales du Charlot de « Les Lumières de la Ville », où l’amour du clochard pour la belle fleuriste aveugle tisse un récit de bon sentiment et de mélodrame touchant (un genre également devenu rare de nos jours).

Texte: Nicolas Nebot et Dan Menasche
Mise en scène: Nicolas Nebot
Interprètes: Alexandre Faitrouni, Dan Menasche, Pauline Bression
Costumes: Marie Credou
Musique: Dominique Mattei
Lumières: Laurent Béal
Maquillage: Zoé Cattelan

Festival OFF d’Avignon
Du 7 au 29 juillet 2023 au Théâtre des Béliers (53, rue du Portail Magnanem, Avignon) à 20h50
Dates supplémentaires les lundis à 16h30 (se renseigner auprès du théâtre)
Relâche le 23 juillet.