QUELLE CHANCE ! …

Quelle chance, on y est !

Par les Vils Navets.

On connaissait Chanson Plus Bifluorée et les Fatals Picards ; il y a aussi les Vils Navets. Ces pitres-là perpétuent une tradition de chansonniers et pour longtemps encore puisque la date fixée à l’arrêt des festivités est annoncée pour 2040 (peut-être en solidarité avec l’actualité frappant les corps de métiers du commun, nos deux Vils Navets étant des observateurs sensibles et attentifs de la vie politique du pays). Des prolongations à la tournée d’adieux ne sont d’ailleurs pas à exclure (idem pour l’âge de la retraite).

Rien de sérieux, bien sûr, puisque ces troubadours modernes ont depuis longtemps (plus d’un quart de siècle) trempé leur plume dans l’encre de la rigolade et de la parodie (certains les soupçonnent même d’être tombés dedans quand ils étaient petits) ; une plume caustique sur les sujets politiques mais gentiment moqueuse quand il s’agit de croquer les travers et ridicules routines de nos contemporains d’en France. Chacun se retrouve un peu (ou son voisin, oui,oui, plutôt le voisin!) dans les situations et personnages hauts en couleur qu’ils dépeignent avec brio dans ces airs familiers transformés en sérénades cocasses.

Nos deux chansonniers portent un genre à part entière, hérité d’une robuste tradition (la chanson gaillarde et paillarde détourne aussi les airs connus, jusqu’aux comptines). On s’amuse de leurs boutades malicieuses et jeux de mots savoureux, subtil mélange d’audace et d’impertinence ; on se surprend même à chantonner avec eux, heureux du joyeux désordre : dans les esprits ainsi qu’au plateau où une série d’accessoires soigneusement ordonnés sur le porte-manteau viennent, tout au long du spectacle, nourrir la pagaille, jonchant le sol. Le spectacle devient alors le terrain de jeu de nos deux lurons chantants, au grand bonheur du village gaulois. Un joyeux foutoir venant célébrer l’esprit franchouillard qu’ils nous servent dans cette épopée comique où la musique, la parodie et l’esprit gaulois s’entremêlent dans un tourbillon jubilatoire

En mêlant habilement l’héritage de leurs prédécesseurs à leur propre style, les Vils Navets ont su proposer une variation bienvenue dans le paysage de la chanson satirique. On rigole.

Les Vils Navets au théâtre Al Andaluz Avignon Off 2023

Mise en scène: Christian Laroque
Interprètes: Denis Castet, Jean-Bernard Marrot

Festival Off d’Avignon
Théâtre Al Andaluz du 8 au 22 juillet les jours pairs (relâche le 18 juillet)

ISABELLE S’ACCROCHE

Seule en scène d’Isabelle Bonadei

Mise en scène : Pascal Canté

 

Pour un bon départ, car tout se joue dès les premiers moments, y compris et surtout sur scène, Isabelle s’accroche au manuel de savoir-vivre en usage dans les meilleures écoles des métiers de l’accueil de l’hôtellerie. Et ça déménage! Les spectateurs d’abord, (dé)placés comme il se doit, suivant le fameux protocole des usages français, quelque peu chahuté toutefois par une maîtresse de cérémonie hyperactive et autoritaire (à la chantal Ladessou… mais au-dessus). Petit conseil à l’usage des spectateurs solitaires et masculins : venez accompagné ou vous risquez de passer à la casserole, sur scène avec la diva sur les genoux. L’interactivité du spectacle s’arrête cependant là, Isabelle se lance ensuite dans son roman sentimental. Le drame de la quinquagénaire écarté du marché de l’amour et victime de la double peine ; car elle erre aussi dans le tunnel des comédiennes de plus de 50 ans.

C’est donc tout naturellement qu’Isabelle nous entraîne vers des âges plus lointains, et en EHPAD, ouvrant des portes recèlant d’autres misères. Difficile d’en rire parfois car le sujet est devenu sensible dans l’actualité de ces dernières années mais Isabelle s’accroche et fourre le public dans sa poche. Un spectacle instructif et amusant sur des scènes de la vie quotidienne.

 

Festival Off d’Avignon.

Théâtre Al Andalus du 7 au 29 juillet. Jours impairs. Relâche le 25 juillet.

 

 

LE JOUR DU MISTER

de Bruno Leydet

Mis en scène par  Bruno Leydet et HVP
Interprété par : Margaux Lapersonne

Rose, cadre débordée et quelque peu condescendante, organise comme chaque année sa Saint Valentin : le 14 février avec le mari… et le 13 en compagnie de l’amant, son « Mister day », équivalent féminin du « Mistress day » qu’on nous présente comme une pratique bien connue aux Etat-Unis (est-ce vrai?).

La petite dame, un rien pimbèche, semble bien organisée, donc. Mais rien ne va se passer comme prévu et le grand principe qui dirige sa vie, hérité de papa (« Ne choisis rien, petite, ramasse tout ! ») se trouvera soumis à rude épreuve.

Un seul en scène étonnant à plusieurs titres. D’abord, l’intrigue, typique du théâtre de boulevard, qui fait se rencontrer les mauvaises personnes au mauvais moment au mauvais endroit et multiplie les déboires de l’héroïne jusqu’à la catastrophe finale. Pas de gras dans le texte ; chaque détail et personnage apparemment secondaire revient plus tard soutenir l’intrigue. Le héros malheureux ensuite, qui en miroir de Feydeau et son époque devient une héroïne : l’épouse. La femme reprenant à son compte la revendication de la double morale et du devoir du plaisir.

Margaux Lapersonne sait rendre la suffisance de ce Moulineaux (le « Tailleur pour dames » de Feydeau) au féminin et l’on attend avec plaisir le moment de la voir s’enfoncer. La comédienne gagne aussi le pari de faire exister la galerie des personnages secondaires.

Un mélange des genres réussi.

du mardi 19 juillet 2022 au samedi 30 juillet 2022 à 13h00 (relâche les lundis)

Théâtre Le Vieux Sage, 34 rue de la Carreterie, 84000 Avignon