Après un mariage, invités et jeunes mariés se retrouvent pour dîner et faire la noce. Tout est parfait: le repas, les histoires du père, les attentions de la mère, les amis, la table, les chaises, l’armoire « même la colle il l’a faite ». Pourtant, peu à peu tout se déglingue, personnages et décor…
Ne cadrant pas avec les canons de l’esthétique théâtrale brechtienne exposés dans l’annexe de « Grandeur et décadence de la ville du Mahagonny » (1930) puis dans « Le petit organon pour le théâtre » (1948), « La noce chez les petits bourgois » se retrouve peu analysée par les universitaires et délaissée par les metteurs en scène. Orienté vers le marxisme à partir de 1925, c’est en effet seulement après la grande crise de 1929 que Brecht se lancera dans la rédaction de ses Lehrstücke (pièces didactiques) et qu’il complètera d’ailleurs le titre de cette oeuvre de jeunesse (« La noce » devenant « La noce chez les petits bourgeois »), pour l’heure d’abord inspirée par le théâtre grotesque et visuel du célèbre cabarettiste munichois Karl Valentin. Stéphane Ruff, dans une scène d’ouverture programmatique, mimant le brouhaha de la fête, rend compte de cette influence, tout comme le maquillage clownesque et l’attitude caricaturale qui portent les personnages, notamment ceux qui n’ouvrent la bouche que fort tard dans la pièce. Quand il écrit « La noce », en 1921, Brecht a 20 ans ; il sort d’une guerre dans laquelle il s’est retrouvé in-extremis engagé (il a été mobilisé à l’automne 1918 comme brancardier). Ici aussi l’ambiance joyeuse des premiers temps tourne très vite au vinaigre : les scandales éclatent l’un après l’autre et l’alcool déchaîne une série de violence que rien ne pourra arrêter. Si certains tentent bien quelques efforts pour limiter les dégâts ou désamorcer les tensions, ils restent vains et impuissants à enrayer le cours catastrophique de la noce. Les exclamations répétitives de ces pantins projetés sur la scène par la compagnie Lizart, caricatures à la Daumier d’êtres véritablement humains, nous les révèlent soumis à des forces extérieures, ici les conventions sociales, qui les conduisent aux limites de l’absurde et de la cruauté. Une grande brutalité se dégage finalement de cette soirée.
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Du 07 au 30 juillet 2016
Théâtre Le Cabestan, 11 rue du collège de la croix – 84000 Avignon
Interprète(s) : Michel Baladi, Stéphane Rugraff, Manon Bertrand, Claire Bruxelle, Jérémie Chauvin, Jeanne Chérèze, Florian Miazga, Laura Lutard, Mathieu Pétriat, Fabien Bénattou, Tiffany Lhuissier
Metteur en scène : Stéphane Rugraff